C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud, octobre 1870
En complément à ce poème il faut lire « Le mal » du même auteur. Poème jamais au programme de l’éducation nationale.
je trouve ça beau mais difficile à apprendre
L’analyse de la structure d’un poème, mon dieu que j’ai toujours trouvé ça barbant , les mètres, les pieds, la diérèse, la césure, les acrostiches, l’anacoluthe ,la rime riche ou pauvre …comment peut-on imaginer qu’un instant le poète se soit préoccupé de tout ce saint frusquin ?
Comme quoi le poète est vraiment un être à part dans une unité qui échappe à l’analyste qui essaie de disséquer dans une vaine tentative d’explication….toujours eu envie de lui dire: Ta gueule! Ecoute, vit les sons la musique des mots, les émotions que cela suscite, toujours ce besoin presque pathologique, à mon sens, de vouloir expliquer? Le Beau Est beau, ça se ressent tout de suite, pourquoi essayer de l’expliquer en vain ? Rien empêche par contre d’échanger des émotions.
La poésie procède du cœur et pas du mental fort heureusement !
Très beau poème. malheureusement toujours d’actualité, quand s’arrêtera la folie des humains
Ce texte est juste magnifique
J’ai quatre vingt deux ans et je pleure. Je pense le faire lire à mon petit fils de 15 ans. Je l’ai appris, à dix ou douze ans.
Pour mon enfant qui est en CM1! Ce poème il le trouve difficile à apprendre .
Un poème que j’aurais aimé écrire. Il est magnifique de sens et de mélancolie ! Mais je ne suis pas poète… Pour autant, j’apprécie beaucoup la poésie de cette qualité. Un poème que j’ai appris il y a 60 ans et qui me délivre un message de paix de plus en plus prégnant.
Rimbaud, mon cher Rimbaud, tu me manques terriblement, hâte qu’on puisse réécrire des sonnets de tout là-haut
Impossible de le lire en entier sans fondre en larmes…
Sublime poème à réciter
Fiction sur le thème « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud, 1870.
République française
Service des eaux. Commune de Charleville. Le 30 mai 1870.
Rivière du Petit Val.
Inspection effectuée par le voyer communal des eaux.
RAPPORT
A été constaté :
8:30 – Près de la source du Petit Val, à la jonction avec son affluent, la hauteur du barrage a été modifiée et ne permet pas d’avoir un débit suffisant pour le moulin. Le garage communal sera apte à réparer les pièces défectueuses. Une demande officielle suivra.
9:50 – Près de la cascade, la berge s’est éboulée. Si l’on ne fait rien dans les semaines à venir, les champs seront certainement inondés. Les ponts et chaussées du département devront intervenir sans tarder. Rapport détaillé suivra.
10:45 – Le long de la forêt, l’eau est transparente et de nombreuses truites occupent les enrochements. On note également la présence d’écrevisses et de nombreuses larves d’éphémères. Pour préserver la population piscicole qui se reconstitue, l’interdiction de pêche sur ce tronçon devra être reconduite cette année encore.
11:15 – En aval du pont de Charleville, des castors ont abattu les saules qui retenaient les berges. Ils ont construit un barrage qui est un vrai danger pour le hameau proche. En cas d’orage, le Petit Val peut devenir imprévisible. Le conseil communal devra délibérer sur la possible éradication de ces bêtes nuisibles. La société de chasse sera avisée en temps opportun.
11:40 – Sur les berges où le cresson et les glaïeuls sont très abondants, un soldat en a profité pour venir y dormir. Aucune déprédation n’est à signaler.
12:00 – J’ai croisé un homme, que j’ai d’abord pris pour un pêcheur. C’était le jeune Rimbaud qui remontait nonchalamment la rivière. Un peu rebelle, mais aimable, c’est un bon à rien qui ne fait que traîner. Il adore ce cours d’eau où il semble trouver l’inspiration pour ses soi-disant poèmes que personne ne lit. Que va-t-il encore nous écrire qui sombrera dans l’oubli ?
Ainsi fait à Charleville le 22 mai 1870.
Le voyer des eaux, xxxx
Source d’inspiration pour le présent texte : le tableau de la Chute d’Icare de Bruegel l’Ancien, 1558.
Explications : Dans le tableau où l’on voit des humains, la terre et la mer, la chute d’Icare est à peine visible. Elle est justement soulignée par ce moyen. C’est un non-événement voulu par le peintre. Dans le cas présent, pour le voyer des eaux, la découverte du soldat endormi est également un non-événement, soulignant ainsi le contraste avec la profondeur et la gravité des vers de Rimbaud.
C’est un très beau poème.
Très beau poème. Je peux sentir les mots à travers le texte. C’est comme si le poème me parlait directement…
J’ai appris à l’école ce poème du « Dormeur du val » du sieur Arthur RIMBAUD y a de cela plus de 55 ans. Je l’ai apprécié de par son contenu marquant l’horreur et les atrocités de cette guerre qui a fait des pertes humaines très souvent innocentes. Le prologue de Serge REGIANI « Le déserteur ». Apprenons à vivre ensemble heureux en paix quelque soit la couleur ainsi que leur religion des gens.
J’ai eu a apprendre ce poème à l’école primaire, il y a une 20aine d’années. C’est le poème qui, je pense, m’a le plus marqué.
Je me souviens encore arriver aux derniers vers. La surprise, le choc et l’effroi. Tel un plot-twist dans les séries modernes, j’ai encore l’image que mon jeune esprit avait imaginé à la lecture de ce poème.
Je pense que je ne l’oublierai jamais.
J’avais dix ans quand j’ai lu pour la première fois ce poème. Sa chute terrible m’a plongé dans une indicible tristesse…
C toujours aussi bon….
Sublime texte au programme du baccalauréat cette année…, qui nous ramène à une triste actualité (la guerre en Ukraine). C’est aussi le texte préféré de mes élèves de première.
Je vais avoir 78 ans et pour maintenir ma mémoire active je révise mes poèmes. Appris alors que j’avais une dizaine d’années ce magnifique et tellement touchant poème d’Arthur Rimbaud a éveillé en moi l’horreur de la guerre. Les actuels dirigeants de pays à travers le monde actuels n’ont sans doute pas été touchés par ce que ce grand poète a voulu montrer: la beauté de notre monde et la terrible douleur qu’apporte cette image de ce beau jeune homme qui a trois trous rouges au côté droit à cause de la guerre que se firent Napoléon et Bismarck, faisant mourir par la violence de la guerre de jeunes hommes beaux et tendres, amoureux sans doute d’une belle jeune fille de leur village…je me suis juré de ne jamais aller à la guerre! Mon grand frère de onze ans plus âgé a été en Algérie et notre famille, ma mère veuve et mes 3 sœurs avons vécus ces angoisses terribles en suivant à la radio et sur une grande carte les péripéties du conflit.
La Paix ! Les peuples que nous sommes désirons la Paix ! Ma mère dans les années 50 utilisait une balance Roberval et utilisait des petites pièces de bronze de Napoléon pour les grammes d’épices. Avant de les poser sur le plateau de la balance elle émettait un petit « tffeu » , un mini crachat sur la pièce. J’étais un petit enfant et je lui ai demandé un jour pourquoi elle faisait ça.
– Pour cracher sur Napoléon qui est venu dans nos campagnes enlever nos hommes pour les envoyer mourir à la guerre ! Il n’y avait plus d’hommes pour travailler nos champs et la vie de nos mères était une misère! »
Arthur Rimbaud a su éveiller en moi l’admiration de la douce et tendre nature et la terrible peine que la mort d’un jeune homme peut engendrer.
Merci Arthur Rimbaud.
Je dois l’apprendre pour l’école et au début je la trouvais un peu compliqué et mes camarades de classe aussi, mais au final elle est simple à apprendre…
Surement l’un des poèmes qui m’a le plus touché, quel fabuleux écrit procurant encore aujourd’hui des sentiments et des sensations inexplicables. Merci Rimbaud
Le meilleur poème que j’ai jamais lu. C’est un alexandrin magnifique avec un vocabulaire riche et variée. Je l’ai appris cette année (5eme) et c’est mon préféré.
Vocabulaire vulgaire ce poème est trop peu difficile pour moi.
Poème appris lorsque j’avais 15 ans avec mon frère Michel. Il jouait dans Lorenzazio et moi je maquillais la troupe. Ce poème m’a marqué je ne l’oublierai pas.
Super poème appris par ma mère. Elle me l’a fait découvrir et j’ai été très touché.
Très cool
L’art de décrire un tableau sinistre et triste avec tendresse romanesque. C’est un poème que je n’ai jamais lu auparavant mais dont je connaissais très bien le titre. Bizarre, me diriez vous ! En fait, on avait un instituteur qui trouvait du plaisir d’appeler un de nos camarades de classe par dormeur du val, parce que le pauvre ne pouvait guère s’empêcher de somnoler pendant les cours ! Eh toi dormeur du val, monte au tableau !
Suis né le 27/11/48 « Dit Papy » (76 piges). Ce poème m’a marqué à vie. De temps en temps je le récite par cœur pour sa beauté et la nostalgie de mes années CM1. Il en est de même que Océano Nox. Cela frappe le cerveau d’un enfant toute sa vie, et lui rappel tous le courage qu’à eu nos aïeules de nous avoir sauvé…
Je pense que Sardou y fait référence dans deux de ses chansons : Rouge et Vincent
En tout cas en les écoutant, un passage de chacune de ces chansons me fait penser à ce poème de rimbaud.
Ce poème est très beau il n’ y a rien à dire. Il est magnifique.
Je le fait avec ma classe en ce moment. La fin est triste mais c’est un beau poème qui me fait froid dans le dos. Je préfère le lire dans le calme sans mes camarades de classe.
Ce poème est très beau. Par contre il est compliqué à apprendre, en cm2.
J’adore le relire, appris en collège, poème très connu, c’est vrai, qu’il a écrit très jeune. Très beau poème !
C’est un très joli poème qui procure des émotions excessives d’après Wael.
Beau poème
Moi aussi je l’apprends en CM2
J’avais appris le dormeur du val en 1960 et je l’ai récité le soir du réveillon ce 31 décembre 2023 auprès d’amis qui parlaient philosophie il dégage une telle humanité qu’il resté en souvenir comme la référence de la poésie qu’il est agréable et nécessaire d’offrir à nos petits enfants.
Je l’ai appris sans savoir ce que ça veut dire en cm2.
Exceptionnel. Il faut que tous les élèves en âge de le comprendre l’étudient… et l’apprennent par coeur.
Beau poème
Voir la très belle interprétation de ce poème par « les Frangines »
https://youtu.be/qc_mXtqs8Gg?si=y5ALVKGOFoJN9PR3
Bonjour, j’ai essayé de mettre en musique ce magnifique poème, en essayant de coller à l’époque…
https://youtu.be/GbACwL0tV7Q
J’ai beaucoup aimé ce poème
J’ai appris cette poésie en CM1 et j’avais été très touché par la mort de ce jeune soldat. À cette époque nous avions un cahier de poésie avec des pages de dessin. En l’honneur de ce jeune soldat je m’étais appliqué à faire un très beau dessin aux crayons de couleur.
De nos jours quel enseignante pourrait demander à des élèves de 9 ans à apprendre cette poésie et à la comprendre?
Il y a 50 ans les enseignantes avaient une vocation sans limite. Nous sortions de CM2 avec des bases de français que des terminales ignorent.
Mon professeur de français en 1ere nous faisait remarquer que ce poème est écrit « comme un travelling ».
J’aime particulièrement ce poème.
Il est très beau, très émouvant et plus accessible que
« Le bateau ivre » que j’aime aussi, même si je ne comprend pas tout!
Réponse à Mary Line,
Je connais deux poèmes qui sont en relation avec « Le Dormeur du Val ». Un poème italien du poète Guiseppe Ungaretti « Veglia » et un poème du poète néerlandais Bertus Aafjes, intitulé « De Laatste Brief » (La Dernière lettre »)J’ espère que vous pouvez les trouver sur internet.
Salutations poétiques.
Mon professeur de français en 1ere nous faisait remarquer que ce poème est écrit « comme un travelling ».
Super poème
Je l’ai appris quand j’avais 15 ans, j’en ai 65 mais tellement beau que je ne l’ai jamais oublié.
Beau poème
Je pense que ce n’est pas « dans son lit vert » mais « sur son lit vert ».
Ah si tous les profs étaient comme Lucenthos ! Merci ! Magnifique analyse !
On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
On va sous les tilleuls verts de la promenade…
MAGNIFIQUE !
Un grand merci, Lucenthos, pour cette admirable étude du poème « Le dormeur du Val » de Rimbaud.
J’aurais tellement mieux apprécié la poésie si mes enseignants (d’une époque lointaine) avaient fait d’aussi constructives études de texte, comme nous disions en 1970.
Bien et cool
Je l’ai eu au DS en 2nde c’était une très belle poésie. Quel poète ce Rimbaud !
J’ai appris cette poésie quand j’étais en CM2 et ça m’évoque beaucoup de souvenirs parce-que j’étais à Provence à Marseille
En plus d’être magnifique par la chute tragique, le dernier vers est bizarre, pour arriver aux 12 pieds de l’alexandrin il faut prononcer « Tranquille. Il a deux trous / rou-jeu-zau côté droit »…
Je suis au collège et j’avais appris ce poème en CM1. Actuellement, je suis vice-championne de poésie et j’adore ce titre. Ca me remonte les souvenirs du CM2 parce que je ne suis plus dans le même collège de mes copines et voila Arthur Rimbaud est super cool comme disent les jeunes.
J’avais 8 ou 10 ans quand mon institutrice nous a lu le Dormeur du Val pour nous présenter la prochaine poésie à apprendre. J’ai alors pleuré, pleuré comme jamais à la tristesse insondable de ce texte. Très humiliant, quand on est si jeune et que personne (personne, sauf l’institutrice) ne comprend. Près de 40 ans plus tard, ce texte, pourtant si beau, me révulse encore…
En sixième ou en cinquième j’avais le choix d’apprendre moi-même un poème en cours de français. J’ai choisi ce poème en écoutant mon frère m’en parler qui l’avait précédemment appris. Je l’ai appris en sixième ou en cinquième. « Il a deux trous rouges au côté droit. » Le dormeur du val d’Arthur Rimbaud.
Trop belle la poésie…
Toutes mes félicitations et un grand merci à « Lucenthos » pour sa magnifique analyse de ce chef d’oeuvre de notre littérature. Ah, comme j’aimerais redevenir lycéen pour écouter vos cours de lettres. Que dis-je, les déguster !
L’émotion me gagne toujours à la lecture de ce magnifique écrit.
Ce poème pour moi a été à la fois une merveilleuse découverte car il commence on peut dire, »gentiment » et de l’autre une horreur. Oui l’horreur de la guerre. Cette fin me hante encore à soixante huit ans ; « il a deux trois rouges au côté droit »
Sur ce site dont j’apprécie les choix littéraires, je fais parfois un commentaire de poèmes connus ou moins connus, commentaire en général assez long parce qu’il s’adresse en priorité à l’attention d’étudiants qui, d’après leurs propres remarques sur ce site et ailleurs, paraissent démunis devant certains textes. Mes commentaires sont assez libres, ils ne suivent pas nécessairement les méthodes habituelles enseignées avec profit dans les établissements scolaires, notamment du point de vue de la prosodie et de la rhétorique poétique. Le but est de sensibiliser l’étudiant(e) qui cherche à voir plus clair dans un texte qui ne lui parle pas immédiatement, à une observation plus précise d’une écriture qui peut paraître d’emblée comme une langue étrangère.
Selon ma lecture, qui n’enlève rien à la profondeur, à la beauté singulière de ce poème juvénile d’Arthur Ribaud ni à sa portée déjà hautement symbolique et, contrairement à l’explication que l’on en donne souvent, je n’y vois pas trop un suspens progressif dont l’aboutissement serait l’imprévisible chute au dernier vers. Pareille interprétation a pu induire parfois une façon « scolaire » de lire ou de dire le poème comme une « récitation » à effet final garanti. Bien sûr, on peut avoir de ce texte si original par sa complexité cachée, une autre approche que la mienne.
Le premier quatrain décrit un « petit val ». L’expression est charmante et tout un vocabulaire de la nature : « verdure », « rivière », « herbes », « soleil », « montagne », « rayons » dépeint un lieu qui, à première vue, semble paisible et charmant. Mais on relève que le jeune poète a instinctivement pris soin d’écrire non pas un nid, un lit ou un creux de verdure mais plus prosaïquement « un trou » de verdure .Cela peut surprendre dès l’abord.
Qu’à cela ne tienne, la rivière chante, cela pourrait être de bon augure pour une scène bucolique, cependant l’eau qui ruisselle sur l’herbe dessine non pas d’aimables entrelacs mais des « haillons d’argent ». On doit être attentif en poésie plus qu’ailleurs aux mots employés même et surtout quand ils sont combinés à d’autres dans des métaphores surprenantes. « Haillons d’argent » en est une superbe et audacieuse qui anticipe le futur virtuose des rapprochements de mots les plus imprévus que sera le Rimbaud du Bateau ivre, mais ici il fait plus que suggérer un joli mouvement de l’onde sur l’herbe avec des réseaux miroitants, il veut aussi, en même temps, créer une ambiance, une atmosphère qui n’est pas si sereine que l’on pourrait croire au premier chef. Dans ce sens, on remarquera que le terme haillon connote aussi chiffon, loque, oripeau et charpie et cela fait déjà comme une petite déchirure dans ce décor qui paraissait radieux.
En réalité, on a, dès l’essor du poème, deux séries terminologiques contraires, l’une visant à donner une impression de sérénité champêtre avec les mots verdure, rivière, herbes, argent, soleil, montagne, val, rayons, cresson bleu, nue, vert, lumière glaïeuls, qui sont autant d’ingrédients propres à l’évocation d’un coin de nature avenant et les verbes d’action chanter, luire, mousser qui participent à cette présentation d’une nature vivante.
L’autre série regroupe, verbes et noms confondus : trou, accrocher, haillons, pâle, malade, froid … qui indiquent un autre type d’évocation : la nature est belle certes mais elle recèle aussi de pièges et comporte des aspects moins rassurants.
Tout au long du poème ces deux séries de termes opposés vont alterner ou se combiner, et ce mélange savant d’apparente sérénité et d’inquiétude larvée, va produire une impression de malaise grandissant. Suivant la sensibilité de chacun la préférence ira dans un sens ou l’autre…
Dans ce décor peu banal, le deuxième quatrain nous montre un personnage étendu sur l’herbe et immédiatement identifiable par son apparence physique, son uniforme, c’est « un soldat jeune. ». Les appelés avaient en général une vingtaine d’années lors de la conscription en 1870 et Rimbaud qui a environ seize ans quand il écrit « Le dormeur du val », se sent sans doute très proche de celui qui est « étendu » dans ce fossé herbeux. Que fait-il là, loin de ses quartiers ? Se serait-il éloigné de son régiment ? Perdu au cours d’une manœuvre ? Est-ce un troupier épuisé qui s’accorde un moment de repos après une action guerrière ? Est-il Français ou Prussien d’ailleurs ? Rien ne permet de le préciser. Sans parti pris, c’est un soldat, un homme qui par temps de guerre est tenu de se battre et d’exposer sa vie… Or, à cette époque la France est en guerre. Le poème a été écrit en octobre 1870, peu après la bataille de Sedan opposant l’armée de Napoléon III à l’armée prussienne et tout près de Charleville où vivait Rimbaud. Il a pu voir des scènes directement ou des photos de scènes de guerre accablantes…
L’attitude de ce soldat isolé est étrange. Sa « bouche ouverte » et sa tête dépourvue d’un képi ou d’un casque réglementaires, surprennent… Cette posture n’est pas normale. De plus, on voit qu’il a « la nuque baignant dans le cresson bleu », autrement dit, la tête à fleur d’eau… Ce n’est pas la position d’un vrai dormeur.
(On s’est beaucoup ingénié à identifier de quelle espèce botanique était ce cresson bleu… Tout ce dont on est sûr c’est qu’elle est aquatique. Appelons le cresson des poètes et laissons-le pousser dans l’imaginaire poétique…)
Pour compléter la position peu coutumière de ce « dormeur », on remarquera au premier tercet qu’il a également « Les pieds dans les glaïeuls », une plante également aquatique, autrement dit, il est quasiment dans l’eau de la tête aux pieds, pas submergé mais trempant sur une rive qui déborde un peu, en tout cas très humide. Il est par conséquent en un lieu peut être charmant mais peu propice à une éventuelle sieste, d’autant que la période n’est pas de celles où de pacifistes soldats peuvent gambader, la fleur au fusil… Toujours dans la hâte à symboliser, ce terme,« glaïeuls », conduit parfois à penser que les plantes ainsi appelées de nos jours, avec leurs feuilles gladiolées et donc très martiales d’aspect, donnent déjà une note funeste à la scène, d’autant plus qu’elles servent souvent à faire des gerbes mortuaires… Or cette espèce, chère aux fleuristes et aux cérémonials officiels, est une variété opulente qui ne pousse pas au bord des rivières ou dans les marais. Plus vraisemblablement, plus modestement et plus poétiquement aussi, Rimbaud pourrait désigner par le terme glaïeuls les iris sauvages à fleur jaune qu’autrefois l’on nommait aussi glaïeuls et qui poussent en bord d’eau. Le Littré de l’époque 1872-1877 affirme d’ailleurs ceci : « On désigne aussi sous le nom de glaïeul deux espèces du genre iris : le glaïeul des marais, iris pseudo-acorus et le glaïeul puant, iris foetidissima » cqfd.
Quoi qu’il en soit, toute cette description, contribue à engendrer un certain trouble qui va croître. On pourrait en effet présumer que le soldat dort, qu’ « il fait un somme ». Le verbe dormir est employé trois fois dans le texte. Cette répétition ponctue le poème de façon lugubre. C’est comme un deuxième rythme plus long sous jacent à celui des alexandrins, une suite de points d’orgue qui suspendent l’attention et suggèrent le pire, ce que confirme d’ailleurs la suite :
« Pâle dans son lit vert où la lumière pleut ». Ce très beau vers mérite une attention particulière car il exprime beaucoup de choses, son sens est surdéterminé. L’adjectif « Pâle » accentue l’impression de malaise et commence à ôter le doute, si jamais il y en avait un, sur le véritable état du « dormeur ». Ce « lit vert », l’herbe qui aurait pu être une couche accueillante, devient d’abord un lit de malade dans lequel semble reposer un souffrant anémié, peut être même exsangue…De la nue, nuée, nuage, (le ciel n’est donc pas bleu et serein !) … « La lumière pleut » ! Cet étrange et très original oxymore en dit long. Ce n’est pas un bain de soleil vivifiant qui réchaufferait un être transi. Symboliquement non seulement le dormeur est comme noyé dans l’élément liquide sur la rive mais, de plus, d’en haut tombe une lumière qui pleut. Ce n’est donc plus tout à fait une lumière. Cette lumière qui pleut fait penser à une lumière qui pleure, ce sont des larmes de lumière et cela participe au sentiment de tristesse qui s’impose désormais.
Au premier tercet le personnage semble sourire mais « comme sourirait un enfant malade » ce n’est donc pas le sourire de la vie. Les vers suivants préparent l’image du berceau « Nature, berce-le » qui lui-même anticipe la tombe selon le raccourci proverbial souvent utilisé « du berceau à la tombe ».Tout cela signifie ouvertement que l’homme n’est plus sensible, plus conscient. Pourrait-on croire qu’il est encore vivant malgré cette disposition, cette immobilité, cette pâleur ? De plus l’expression « il a froid » fait plus que suggérer qu’il n’est plus vivant, on ne peut être dupe, c’est le froid de la mort. MC Solaar qui est un vrai poète moderne y faisait référence dans son single de 1995, « La concubine de l’hémoglobine » dans lequel il chantait : « Le dormeur du val ne dort pas / Il est mort et son corps est rigide et froid ». Quant à l’émouvante exhortation par laquelle il est demandé de bercer « chaudement » le dormeur qui a froid, elle à toute la force d’une invocation aussi pieuse que pudique à la Mère-Nature afin qu’elle reprenne un de ses enfants dans son sein.
Le dernier tercet assume sans surprise la révélation de ce que l’on pressentait : plus de sensibilité, plus de souffle « Les parfums ne font pas frissonner sa narine », puis « Il dort ». Ce troisième et dernier tintement de glas marque l’ambivalence du fait que la mort est souvent comparée à un sommeil. Toutefois, il dort « dans le soleil », il est à noter qu’il n’est pas dit « au soleil », cela donne une autre dimension à la scène comme si maintenant le personnage était dans une gloire, mot qui a aussi le sens de lustre, éclat lumineux comme on dit « La gloire du couchant ». C’est une lumière inhabituelle qui auréole le soldat mort comme si toute la nature l’enveloppait d’un profond hommage funèbre. Dans cette lumière presque surnaturelle on peut le voir maintenant « Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change », comme dira quelques années plus tard Stéphane Mallarmé à propos d’Edgar Poe. « La main sur la poitrine » c’était peut-être son dernier geste, geste d’abandon et de résignation qui lui donne une contenance digne et respectable.
Après le rejet du mot « Tranquille » qui au début du dernier vers, maintient ce sentiment de dignité du soldat défunt, la notation finale que l’on a souvent considérée comme une chute exemplaire, ne révélant qu’au tout dernier moment le triste état du jeune conscrit tombé trop tôt aux champs d’honneur, n’est pas si abrupte, vu tout ce qui précède et qui a déjà suggéré l’état irréversible dans lequel se trouve le personnage. Mais il fallait tout de même le formuler nettement. Je verrais plutôt dans ce magnifique poème si bien composé, une sorte de progression par laquelle on comprend assez vite que le soldat est mort jusqu’à ce que cela soit exprimé par le détour d’une périphrase flamboyante qui ne l’énonce pas platement mais de façon tellement plus forte que tout autre formulation : « Il a deux trous rouges au coté droit »
Ce dernier vers est non seulement la confirmation, s’il en était besoin, de ce dont on se doutait mais surtout il met en évidence que ce n’est pas une mort normale car il est l’image d’une blessure fatale d’autant plus tragique et inacceptable qu’elle résulte de la cruauté des actions de guerre que le jeune Rimbaud dénonce en prenant le lecteur aux tripes. Au total, par cette succession de temporisations, de suggestions ménagées tout au long du texte, Rimbaud adolescent, lui même blessé et révolté contre la terrible signification de la scène dont il se remémore ou qu’il imagine, pousse dans le même refus de l’intolérable, celui d’une jeune vie fauchée dans la fleur de l’âge. Du même coup, il nous entraine dans le désaveu de l’odieuse réalité de la guerre de 1870 dont il fut contemporain et probablement aussi dans la condamnation de toute guerre…
Ce poème est très très joli et puis ça remémore les temps d’avant
C’était en 1870, pendant la guerre entre Napoléon III et Bismarck… Ce soldat est-il prussien ou français ? Qu’importe ! Rimbaud ne voit que l’horreur de la guerre. En cette période de Noël 2022, ayons une pensée pour cette Ukraine meurtrie !
Un poème magnifique j’ai appris en CM2 et qui m’a marqué.
J’ai appris ce magnifique poème au CM2. La beauté de la nature et l’horreur de la mort. Aujourd’hui, c’est ma fille qui l’apprend, et moi qui le redécouvre. Je suis heureux que cette superbe poésie ne tombe pas dans l’oubli.
Magnifique
Je trouve que ce poème est une sublime représentation sur la terrible réalité qui est la mort. Ecrit seulement à 16 ans. C’est un chef’d’oeuvre
Génial écrit par un auteur de talent
Écrit alors qu’il n’avait que 16 ans !
Je suis en train de l’apprendre, elle est vraiment trop génial. Un peu dure mais super émotive ! Très beau poème.
On l’apprend à l’école.
L’illusion du sublime pour voiler l’horreur de la mort. Voir la fonction de première mort chez Lacan dans la jouissance mélancolique.
Une belle allusion au dormeur du val de Rimbaud dans la chanson de Sardou « Rouge ».
Pour ceux qui ne connaissent pas, je vous conseille d’écouter Serge Reggiani le lire, en prologue du déserteur : très très beau.
Comme Jean-Claude, qui a deux ans de plus que moi, j’ai dû apprendre ce poème à 11 ans au Lycée Montaigne.
Quels sont les élèves qui l’apprennent encore en 2022 ?