Poetica, des poèmes d’avenir, du présent, du passé...


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Sélection : poèmes à la une

La Commedia dell’Arte

Jean-Pierre Villebramar
Louis de Caulery, place St-Pierre à Rome lors de l'élection du Pape, 1592
Louis de Caulery, place St-Pierre à Rome lors de l’élection du Pape, 1592

Pâques. Christ est ressuscité, le Pape est mort,
et les Grands de ce Monde versent leurs larmes
de crocodiles.

Rassurez-vous, mes bonnes gens, tout ira comme avant:
il y aura
des élections et une fumée blanche; cependant,

A Hambourg et à Buenos Aires, les bordels restent ouverts,
un crêpe noir
sur la porte, pour les plus convenables.

Mais vous les pauvres filles aux yeux bleus, aux cheveux blonds,
mais vous les pauvres filles aux yeux bruns, aux cheveux noirs,
ce soir y aura du monde!

Et du beau!

En Russie, en Amérique, en Chine, des robots
fabriquent des obus,
et les mineurs extraient le cuivre avec le plomb,

des entrailles des Andes.

Et que s’envolent
les cours au Stock exchange! Car partout,
les Etats-Majors confirment: rien n’est changé

pour l’offensive de printemps.

Pâques. Christ est ressuscité, François est mort,
la Commedia dell’Arte comme avant.
Mais combien j’aime au Vatican cette grand’mère sicilienne en habits noirs;

elle dépose trois fleurs blanches sur les marches.
Alleluia! François est mort!

Christ est ressuscité!

Villebramar, 2025

Sélection : poèmes à la une

Vincent

Adrien Benistant

Je t’écris face au miroir
Mon frère
Où je vois mon reflet
Où je vois ton visage
Je porte dans mon cœur
Mon frère
De communes images
Nos destins ricochant
Sur nos vies, ces nuages
Je rends un hommage
Mon frère
A ces instants éternels
Où se fige l’amitié
Où se figent nos regards
Je vis dans l’espoir
Mon frère
De partager une rencontre
Des histoires sans mots
Des mots sans histoire

Adrien Benistant

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Envie

Murièle Camac

Il y a des jours où ça me prend
la poésie
l’envie d’écrire un poème
envie envie envie
je suis là
j’attends des mots un rythme
j’attends un signe du monde
monde indique-moi donc ça
je suis là je cherche
dedans dehors
où est le signe il doit bien y en avoir un
un son un souvenir de rêve un mouvement

j’attends dans le monde le signe
comme la sainte dans sa cellule
attend son ange
ou comme l’enfant sur son pot
attend que ça sorte
c’est sûr ce n’est pas la même chose
si ça vient de l’ange ou de l’intestin
extase ou déjection
m’en fous je veux juste un poème
que ça monte ou que ça descende

Murièle Camac, Regarder vivre, 2016

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Demain la paix

Jean-Marc Chanel

Combien de temps encor nous faut-il endurer
le froid, le noir, la soif, la faim, les destructions,
les blessés et les morts : la folie de la guerre
où les innocents paient pour les commanditaires.

Ayant dû quitter femme et puis prendre fusil,
je traîne une âme en peine au milieu des combats.
Comment me résoudre à tuer le moindre frère ?
Ne le dis à personne, oui ; moi je tire en l’air.

Un jour viendra, et il est proche, où se tairont
les voix des va-t-en-guerre avec tous leurs canons.
A nouveau la justice embrassera la paix.

Mains tendues par-dessus les barbelés de haine,
l’agresseur comprendra que l’agressé d’hier
ne fut jamais qu’un malheureux bouc-émissaire.

Jean-Marc Chanel

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Zêta

Kamal Zerdoumi

Cette lettre grecque
qui signifie « il est vivant »
Devise pour celles et ceux
qui résistent
au massacre
de Gaza à l’Ukraine
du sacre
de la barbarie
au paroxysme de la haine
Planète, que se passe-t-il à ta surface
inondée de sang versé
par des créatures
à l’âme de glace ?
Partout des vies sacrifiées
sur l’autel de l’Orgueil
Partout ta beauté scarifiée
par le scalpel des deuils !
Zêta, lettre jadis solaire
aujourd’hui veuve des peuples
alliance de désespoir
et de colère

Kamal Zerdoumi, 2025

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De là-bas

Grégory Rateau

J’ai appris de vos préaux, de la peinture écaillée, des fonds de couloir, des jupes trop longues.
J’ai appris à faire mentir la nuque, les rires parfois faisaient le détour.
J’ai appris à prendre l’horizon pour cible comptant simplement à rebours. Rivé aux sonneries du départ, les adultes n’y comprenaient goutte : ils notaient mes feuillets sans trop rien déchiffrer.
J’ai appris le sacrifice des heures où le soleil lui poursuivait sa route, pénard, loin de vos encriers.
Assis là en position d’attaque, j’apprends toujours…

Grégory Rateau, 2024