Poetica, des poèmes d’avenir, du présent, du passé...


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Sélection : poèmes à la une

Bataclan

Chloe Douglas
Chloe Douglas, Bataclan, 2015
Chloe Douglas, Bataclan, 2015

Aujourd’hui il pleut
À remplir les verres
En ce moment- là
Et maintenant
Des larmes, pas de pluie
La musique est de silence
Mon visage vers le sol
Immobile
On peut entendre une mouche voler
Ombres chachées
Haleine tenue
Immobile
Au dessus d’autres
Le silence terrifié
La puanteur de la peur
À faire semblant ou mort
Immobile
Jusqu’au prochain son de tirs
Je veux m’éveiller
Cela fait dix ans.

Chloe Douglas, 2025

Sélection : poèmes à la une

Je rentre

Lucie Delarue-Mardrus

Je rentre. J’ai laissé la ville âpre à nos portes
Avec sa vie obscure et ses longues cohortes.

Après avoir heurté tant de gens et de choses,
Je te retrouve seul dans ton jardin de roses.

Je regarde tes yeux après tant de prunelles
Luisantes, qui portaient toute la fièvre en elles,

Et je sens que mon âme entre dans tes yeux calmes
Comme dans un beau port d’eau tranquille et de palmes.

Lucie Delarue-Mardrus, Horizons, Tendresses, 1904

Sélection : poèmes à la une

Nature en deuil

Sybille Rembard

Vie sacrifiée d’une journée sans soleil
Les arbres tombant, sans feuilles.
Amie de la nature qui juge ce qui n’est pas,
Ouvre ton cœur à l’espoir d’un demain sans nuages,
Tu sais que rien ne te touche, rien que le silence d’une vie
La tienne
Vie sacrifiée, un jour sans toi.

Sybille Rembard, 2008

Sélection : poèmes à la une

Mon rêve familier

Paul Verlaine

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l’ignore.
Son nom? Je me souviens qu’il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

Paul Verlaine, Poèmes saturniens

Sélection : poèmes à la une

Les fleurs reviendront

Jules Delavigne

Le printemps est loin, si loin
Les champs sont roses sombres
Dans le fil d’une pensée morbide fluide
Le vieil homme crache, crapote
Comme un cochon il se fera abattre
Le lampadaire tremble dans la nuit effervescente
Les gens crient que c’est la fin du monde
Puis rient car tout n’est pas encore fini
Les fleurs et les odeurs reviendront
C’est sûr
Et on y sera, ou pas

Jules Delavigne, 2010

Sélection : poèmes à la une

Automne

Ondine Valmore

Vois ce fruit, chaque jour plus tiède et plus vermeil,
Se gonfler doucement aux regards du soleil !
Sa sève, à chaque instant plus riche et plus féconde,
L’emplit, on le dirait, de volupté profonde.

Sous les feux d’un soleil invisible et puissant,
Notre coeur est semblable à ce fruit mûrissant.
De sucs plus abondants chaque jour il enivre,
Et, maintenant mûri, il est heureux de vivre.

L’automne vient : le fruit se vide et va tomber,
Mais sa graine est vivante et demande à germer.
L’âge arrive, le coeur se referme en silence,
Mais, pour l’été promis, il garde sa semence.

Ondine Valmore

Sélection : poèmes à la une

Voici que la saison décline

Victor Hugo

Voici que la saison décline,
L’ombre grandit, l’azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.

Août contre septembre lutte ;
L’océan n’a plus d’alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.

La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l’été fond.

Victor Hugo, Dernière gerbe