ascension radieuse
lianes de soie
lovées en chrysalide
frémissements d’ailes
sous la peau
la grâce et l’ivresse
aux convections ardentes
de poussières d’étoiles
caresses d’années lumière
Michel Ménaché, 2023
j’ai épuisé ma plume
jusqu’au bout de moi
jusqu’à plus rien
la gorge pleine de roches
ma voix s’étrangle
mes mains deviennent muettes
je m’égare dans mes silences
***
j’erre dans des ailleurs
habite des espaces
qui ne m’appartiennent pas
j’incarne des chairs inconnues
respire une autre vie
me perds dans de nouveaux visages
je meurs une fois de plus
Susy Desrosiers
Il ne t’aura pas suffi d’être beau
pour émouvoir le tombeau
ni d’être impeccable dans « Monsieur Klein »
pour attendrir le destin
La Mort est cette garce
qui emporte qui elle veut
quand bon lui semble
Toi, las de ce monde, terrible farce
tu es parti,
sans que ton âme ne tremble
ni ne prenne feu
Tu es allé rejoindre tes chers disparus
Désincarné, tu réalises enfin ce rêve
de voir tes parents réunis
Faut-il donc que l’on crève
pour cesser d’être punis ?
Il ne t’aura pas suffi d’être beau
pour guérir d’être mortel
Tu reposes
en un lieu où n’a plus cours le Réel
où capitule ce qui est faux
Kamal Zerdoumi, août 2024
Au loin …la mer du nord
Adossée au littoral
la foule défile dans un flot bruyant,
entre remous et repos.
Sous le soleil
renaissent les sourires.
Sur la digue,
se brisent les souvenirs,
rêves apaisants
bercés par l’écume vibrante.
Chahuté par le vent,
Le temps n’est plus alors rien
Figé en une saison
dont le sable est le témoin.
Nadia Ben Slima, 2016
Le Rhin
Qui coule
Un train
Qui roule
Des nixes blanches
Sont en prière
Dans la bruyère
Toutes les filles
À la fontaine
J’ai tant de peine
J’ai tant d’amour
Dit la plus belle
Qu’il soit fidèle
Et moi je l’aime
Dit sa marraine
J’ai la migraine
À la fontaine
J’ai tant de haine
Guillaume Apollinaire
J’avance lentement
Sous un soleil écrasant
Mes pieds, plus lourds à chaque pas,
S’enfoncent inlassablement
Dans le sable liquide.
Et je ne vois que des champs couverts de neige
Que des dimanches matins heureux
Dans mes montagnes fraiches et splendides.
La vielle dame m’avait dit un jour
Que le bonheur est dans le mouvement
Dans la fluidité entre deux étapes, deux états
Et nulle part ailleurs.
Devant moi, toujours, mon enfance
L’air chargé de sel, porté par le vent
Ces milliers d’étincelles dans l’eau
Ces milliers de pensées insaisissables
Et le son des galets brassés par les vagues
Qui me bercera jusqu’à l’infini.
Jules Delavigne, Conclusions, 2008
J’étais assis devant la mer sur le galet.
Sous un ciel clair, les flots d’un azur violet,
Après s’être gonflés en accourant du large,
Comme un homme accablé d’un fardeau s’en décharge,
Se brisaient devant moi, rythmés et successifs.
J’observais ces paquets de mer lourds et massifs
Qui marquaient d’un hourra leurs chutes régulières
Et puis se retiraient en râlant sur les pierres.
Et ce bruit m’enivrait; et, pour écouter mieux,
Je me voilai la face et je fermai les yeux.
Alors, en entendant les lames sur la grève
Bouillonner et courir, et toujours, et sans trêve
S’écrouler en faisant ce fracas cadencé,
Moi, l’humble observateur du rythme, j’ai pensé
Qu’il doit être en effet une chose sacrée,
Puisque Celui qui sait, qui commande et qui crée,
N’a tiré du néant ces moyens musicaux,
Ces falaises aux rocs creusés pour les échos,
Ces sonores cailloux, ces stridents coquillages
Incessamment heurtés et roulés sur les plages
Par la vague, pendant tant de milliers d’hivers,
Que pour que l’Océan nous récitât des vers.
François Coppée, Le Cahier Rouge
Sur la plage le parasol fermé pointe au firmament
Ma langue savoure les grains de sel sur mes lèvres moites
Mes pieds s’enfoncent dans le sable chaud
Le sommeil me guette
Le rêve m’attend
Le soleil grandit l’éternité de mes pensées.
Je répète jusqu’à l’hallucination les vers que tu as écrits pour moi,
une nuit à côté des étoiles.
Sous l’astre de l’été
je revis notre amour : colonne ivre du temple de l’éternité
Les saisons se succèdent
Et moi
je crois encore aux feux d’artifices.
Sybille Rembard, Beauté fractionnée, 2002
L’Océan sonore
Palpite sous l’oeil
De la lune en deuil
Et palpite encore,
Tandis qu’un éclair
Brutal et sinistre
Fend le ciel de bistre
D’un long zigzag clair,
Et que chaque lame,
En bonds convulsifs,
Le long des récifs
Va, vient, luit et clame,
Et qu’au firmament,
Où l’ouragan erre,
Rugit le tonnerre
Formidablement.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens
plus loin, dans la pénombre
des bavardages enfiévrés
toutes eaux perdues
une grenouille radote sa prière
une pie, deux fées translucides
s’inclinent avec cérémonie
aux galets d’un purgatoire
où gisent des soleils calcinés
déjà s’inscrivent sur des feuilles
les mémoires d’une canicule
et pleurent sans larmes
des saules à l’abandon
en cohortes basculent des présages
au seuil de puits asséchés
sous des murailles incandescentes
se consument les broussailles
une torchère traîne au Golgotha
des lambeaux d’horizon
autodafé où se bousculent
siroccos et brasiers indécis
en vain se dilatent des nuages
enceints de grêle et d’éclairs
tandis qu’étincellent en silence
les enluminures des grappes
se gorgent d’alcool et de sucs
des guêpes aux indécentes ripailles
sacristie où l’on prépare
du sang, l’éloquent sacrifice
dans nos chairs, l’été en gésine
paraphe ses ultimes frénésies
Claude Luezior