Mon triste cœur bave à la poupe …
Mon cœur est plein de caporal!
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste cœur bave à la poupe…
Sous les quolibets de la troupe
Qui lance un rire général,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur est plein de caporal!
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l’ont dépravé;
À la vesprée, ils font des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques;
Ô flots abracadabrantesques,
Prenez mon cœur, qu’il soit sauvé!
Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs insultes l’ont dépravé.
Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé?
Ce seront des refrains bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques!
J’aurai des sursauts stomachiques
Si mon cœur triste est ravalé!
Quand ils auront tari leurs chiques,
Comment agir, ô cœur volé?
Arthur Rimbaud, 1871
Un viol, le sien ? Pourquoi pas ! Mais il me semble étrange de mettre ainsi son propre viol en scène. Quelle idée ! Enfin, c’est Rimbaud, tout est possible.
Il peut s’agir de n’importe quel viol aussi, au sens propre comme au figuré, au sens large. Là, on s’éloigne peu à peu de sa vie vécue par lui, on reprend le sens de la poésie plus universelle, comme il se doit. Les mots et les sons ne sont plus réduits à une simple description certes masquée de ce qui a eu lieu, avec des rythmes magiques que nulle relation de la vie ordinaire ne peut autrement rendre. On s’envole plus facilement au lieu de tomber dans un gouffre. Ce poème n’est plus une simple déposition, une plainte, peut-être, à la postérité pour crier justice. Ou pour s’en amuser avec brio. Le sens va au-delà.
Je me souviens de ces quelques mots de lui à sa mère « Si je me plains, c’est une espèce de façon de chanter », ils m’ont marqué. Il y a toujours beaucoup de coeur chez lui, c’est ce que je sens.
Le Caporal c’est le tabac des troupes et des gauloises jeunes et hommes !!!
D’accord pour le c.. caché sous le cœur. Ainsi la morale est préservée.
Lire ce poème amène les sens au bout de l’âme. Ressentir les mots de Rimbaud est un déchirement, une désillusion absolue d’un homme debout. Je n’analyse pas je ressens tout simplement
Je suis d’avis aussi qu’il y’a plusieurs lectures à ce poème. Mais je vous propose de remplacer le mot « cœur » par « corps » plutôt que par « cul ». Déjà parce que je trouve ce dernier vraiment trop trash et irrespectueux (c’est que mon opinion, pas taper) et ensuite parce que ça accentue encore plus la dimension de « captivité ». Si j’ai bien compris, il est en prison en plus de s’être fait vi*ler…
Avec le mot « corps » au lieu de « cœur » je trouve qu’on conserve bien mieux le poème qu’avec « cul »… Mais je suis d’accord avec les commentaires qui disent que si il a écrit « cœur » c’est pour une bonne raison.
C’est vraiment le poème d’une bonne gente des années 1870 qui, jeune engagé, vient de se faire enculer par l’armée navale toute entière!
#YMCA 100 ans plus tard, #rethink rimbaud !
Pioupiesque ça signifie la troupe, les soldats, caporal c’est pour dire que celui qui pouvait empêcher (un caporal commandait des pioupiou, des soldats en service militaire, souvent des gars jeune, frustres, qui faisaient 3 ans de service sous Napoléon III).
Rimbaud n’avait pas peur d’employer des mots crus et ne tournait pas autour du pot… sauf s’il avait une raison de le faire. Quel que soit ce dont il a été la victime, c’est bien son coeur qui est supplicié au moment où il écrit ces vers. C’est en tous cas mon humble avis.
je me joins à Jacques et Herrera, Arthur raconte son viol, il faut remplacer coeur par cul, ce qui aurait été plus laid sans doute, mais son coeur a forcément été violé aussi ce jour là….
A quel nom commun se rapporte les adjectifs « ithyphalliques » et « pioupiesques » lors de leurs premières et troisièmes évocations? Peut-on dire qu’ils se rapportent à « insultes »? L’analyse littéraire est un élément capital pour essayer de comprendre ce poème.
Je tiens à dire quelque chose au sujet du « viol ». C’est peut-être vrai mais il faudrait voir le sens moral du terme. Il n’y aurait pas eu un viol mais une déchirure suite à des moqueries qui s’apparentent à un viol.
Oui comme le dit Hérrera, il raconte le viol collectif qu’il a subit. Violé par des soldats alors qu’il était mineur. C’est assez limpide.
Eh bien moi je ne vois rien de sexuel là-dedans et s’il dit « coeur » et non pas « cul », c’est bien pour une bonne raison.
Ce n’est pas non plus la perte des illusions à mon sens, je ne crois pas que Rimbaud était vraiment du genre à s’en faire. Mais c’est la confrontation avec la réalité de ce qu’il pressentait. En revanche. Ce sont surtout les rires et les quolibets son problème.
Paradoxe pourtant : il lance son coeur dans la mêlée, que quelqu’un le sauve. Au milieu de tous ces « phallus » alors, certes, mais à aucun moment on ne comprend qu’il a été violé. Oublions, oubliez ce que vous savez de sa vie, moi je n’en sais rien. La poésie va au-delà des faits.
Je crois qu’on aurait tort, comme toujours, de réduire un poème ou une œuvre d’art, à un contexte descriptif et historique. La portée du poème est beaucoup plus large… « mes vers on le sens qu’on leur prête, celui que je leur donne ne s’ajuste qu’à moi et n’est opposable à personne » dira Paul Valéry. A l’évidence, ici, il s’agit d’un désenchantement ; Rimbaud, 17 ans, monte à Paris, lourd des illusions de sa jeunesse et des perspectives de libération qui lui offrent le désordre et la licence du temps.
Réduire cela à une expérience sexuelle est abusif, peut-être plausible, mais insuffisant. Je proposerais de l’ouvrir : « Comment survivre à l perte des illusions naïves de l’adolescence » Tout homme, toute femme, vit cette expérience de la ruine des illusions. Y a-t-il un devenir pour celui ou celle qui a tout perdu ?
Pour bien le comprendre il suffit de remplacer Coeur par cul…
Rimbaud raconte ici son viol
Ce poème a plusieurs versions. Le titre peut être le coeur volé (ou le pitre). Leurs quolibets l’ont dépravé au lieu de leurs insultes. Abracadabrantesques et pioupiesques sont de superbes inventions de Rimbaud s’alliant merveilleusement avec le contexte du poème.