Ottomar Scholem et Abraham Loeweren
Coiffés de feutres verts le matin du sabbat
Vont à la synagogue en longeant le Rhin
Et les coteaux où les vignes rougissent là-bas
Ils se disputent et crient des choses qu’on ose à peine traduire
Bâtard conçu pendant les règles ou Que le diable entre dans ton père
Le vieux Rhin soulève sa face ruisselante et se détourne pour sourire
Ottomar Scholem et Abraham Loeweren sont en colère
Parce que pendant le sabbat on ne doit pas fumer
Tandis que les chrétiens passent avec des cigares allumés
Et parce qu’Ottomar et Abraham aiment tous deux
Lia aux yeux de brebis et dont le ventre avance un peu
Pourtant tout à l’heure dans la synagogue l’un après l’autre
Ils baiseront la thora en soulevant leur beau chapeau
Parmi les feuillards de la fête des cabanes
Ottomar en chantant sourira à Abraham
Ils déchanteront sans mesure et les voix graves des hommes
Feront gémir un Léviathan au fond du Rhin comme une voix d’automne
Et dans la synagogue pleine de chapeaux on agitera les loulabim
Hanoten ne Kamoth bagoim tholahoth baleoumim
Guillaume Apollinaire, Rhénanes, Alcools, 1913
Apollinaire a eu le privilège de rencontrer en 1901 à Unkel des juifs observant la fête des Tabernacles. En cela, il fut touché par la grâce divine en terminant ce magnifique poème par une citation de la liturgie en hébreu, la langue sacrée.
Apollinaire critique le catholicisme
Magistral ce poème! Et qui dit toute la vérité : la croyance, l’amitié , etc…
Il n’y a aucune critique d’hypocrisie religieuse. Au contraire même. Ce texte est saisissant car la simplicité du propos aborde une multitude de thématiques. L’Alsace est une terre d’une tradition juive millénaire. La cohabitation avec la chrétienté est parfois éprouvante. La pureté du sabbat un idéal frustrant avec lequel il faut composer avec soi-meme comme avec autrui. Et enfin, le rôle de la synagogue (la communion comme diraient les chretiens). La référence à Soucot, et les translitérations en hébreu (approximatives semble-t-il) évoquent la condition précaire mais toujours pleine d’espoir des juifs au milieu des autres peuples.
Ils se retrouvent unis dans leur foi…..
Guillaume Apollinaire montre ici l’hypocrisie des religieux
Guillaume Apollinaire, retransmet bien ici, que les petites chamailleries et mesquineries de l’être humain, quel qu’il soit – font place à une attitude plus chaleureuse et amicale, dès lors que dans la synagogue, les deux personnes se retrouve, avec toute leur foi.
ils resteront unis