Le soleil froid donnait un ton rose au grésil,
Et le ciel de novembre avait des airs d’avril,
Nous voulions profiter de la belle gelée.
Moi chaudement vêtu, toi bien emmitouflée
Sous le manteau, sous la voilette et sous les gants,
Nous franchissions, parmi les couples élégants,
La porte de la blanche et joyeuse avenue,
Quand soudain jusqu’à nous une enfant presque nue
Et livide, tenant des fleurettes en main,
Accourut, se frayant à la hâte un chemin
Entre les beaux habits et les riches toilettes,
Nous offrir un bouquet de violettes.
Elle avait deviné que nous étions heureux
Sans doute, et s’était dit : “ ils seront généreux ”.
Elle nous proposa ses fleurs d’une voix douce,
En souriant avec ce sourire qui tousse,
Et c’était monstrueux, cette enfant de sept ans
Qui mourait de l’hiver en offrant le printemps.
Ses pauvres petits doigts étaient pleins d’engelures.
Moi, je sentais le fin parfum de tes fourrures,
Je voyais ton cou rose et blanc sous la fanchon,
Et je touchais ta main chaude dans ton manchon.
Nous fîmes notre offrande, amie, et nous passâmes ;
Mais la gaîté s’était envolée, et nos âmes
Gardèrent jusqu’au soir un souvenir amer.
Mignonne, nous ferons l’aumône cet hiver.
François Coppée, Intimités
Très beau poème en alexandrins … sauf un vers :
« Nous offrir un bouquet de violettes. »
Pourquoi ?
François Coppée a sûrement voulu mettre là une intention, car il aurait parfaitement été capable de faire un alexandrin. Ou alors, une étourderie de sa part ?
Superbe poème qui fait penser au conte : La petite fille aux allumettes
C’est bien affreux, cette épisode, mais Coppée pourrait bien faire mieux que ce poème simple, évident et sentimentale.
C’est bien !
Et c’était monstrueux cet enfant de sept ans
qui mourait de l’hiver en offrant le printemps
Ces vers m’amènent toujours des larmes. Avec la remise en cause du Code du travail plus que jamais nous retournerons à cette époque. D’ailleurs l’avons nous vraiment quittée ?
Les violettes sont des petites fleurs très robustes qui fleurissent de septembre à mai.
Que ces vers sont charmants, un détail pourtant: d’ou sortent ces violettes sous un ciel de novembre car depuis février elles se sont fannées.
Comme c’est joli d’aller draguer dans les jardins publics avec ses poésies!
Merci Mengaillou, charmante amie qui a bien voulu m’écouter et m’a mis en confiance. C’est drôle de vous retrouver… ici. Peut être une autre fois au Grand Rond.
Un charmant monsieur m’a fait découvrir ce touchant poème, cet après-midi au jardin du Grand Rond à Toulouse ; il avait besoin d’un « auditoire » c’était en quelque sorte une répétition, car il doit le réciter prochainement au cours d’une soirée entre amis, tous amateurs de poésie. Une jolie rencontre et une belle découverte que cette petite marchande de fleurs <3
Très touchant