À Mademoiselle Yvonne M…
Yvonne sérieuse au visage pâlot
A pris du papier blanc et des couleurs à l’eau
Puis rempli ses godets d’eau claire à la cuisine.
Yvonnette aujourd’hui veut peindre. Elle imagine
De quoi serait capable un peintre de sept ans.
Ferait-elle un portrait ? Il faudrait trop de temps
Et puis la ressemblance est un point difficile
À saisir, il vaut mieux peindre de l’immobile
Et parmi l’immobile inclus dans sa raison
Yvonnette a fait choix d’une belle maison
Et la peint toute une heure en enfant douce et sage.
Derrière la maison s’étend un paysage
Paisible comme un front pensif d’enfant heureux,
Un paysage vert avec des monts ocreux.
Or plus haut que le toit d’un rouge de blessure
Monte un ciel de cinabre où nul jour ne s’azure.
Quand j’étais tout petit aux cheveux longs rêvant,
Quand je stellais le ciel de mes ballons d’enfant,
Je peignais comme toi, ma mignonne Yvonnette,
Des paysages verts avec la maisonnette,
Mais au lieu d’un ciel triste et jamais azuré
J’ai peint toujours le ciel très bleu comme le vrai.
Guillaume Apollinaire, Alcools
Je suis plus beaucoup plus vieille qu’Yvonnette mais je suis aussi aquarelliste. Je lis les poèmes de Guillaume Apollinaire depuis mon adolescence. Merci pour ce partage très apprécié.
J’ai préféré la poésie
Enfin j’ai retrouvé les paroles complètes du poème appris dans mon enfance par ma prof de français mais aussi de dessin. C’est elle qui m’a inculqué l’amour du mélange des couleurs.
Ce poème ne fait pas partie d’alcools mais du recueil « il y a »
Su-per! J’adore!
Date ? 🙂
Un petit retour en enfance tout en douceur.