La nuit d’hiver élève au ciel son pur calice.
Et je lève mon coeur aussi, mon coeur nocturne,
Seigneur, mon cœur ! vers ton pâle infini vide,
Et néanmoins je sais que tout est taciturne
Et qu’il n’existe rien dont ce coeur meurt, avide ;
Et je te sais mensonge et mes lèvres te prient
Et mes genoux ; je sais et tes grandes mains closes
Et tes grands yeux fermés aux désespoirs qui crient,
Et que c’est moi, qui seul, me rêve dans les choses ;
Sois de pitié, Seigneur, pour ma toute démence.
J’ai besoin de pleurer mon mal vers ton silence !…
La nuit d’hiver élève au ciel son pur calice !
Emile Verhaeren, Les débâcles