Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
– Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. – Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
– Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! –
Rieuse, m’apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d’une gousse
D’ail, – et m’emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.
Arthur Rimbaud, Cahier de Douai
J’ai oublié d’annoncer au préalable « la problématique » à laquelle doit répondre le plan de commentaire proposé, au temps pour moi, la voici :
« En quoi ce poème est-il la recréation poétique du souvenir d’un moment de bonheur vécu qui réinvente de l’intérieur l’écriture du sonnet, et selon quels procédés littéraires ? »
S’il fallait me soumettre aux réquisits de l’exercice scolaire du « commentaire composé » pour « Au Cabaret Vert », je procéderais de la sorte :
1-Un moment de bonheur sensuel « épicurien » : une ode à un « pur présent » païen.
a. Rimbaud, le poète marcheur, le dévoreur d’espace, le « conquérant de Charleroi », le « passant considérable », « l’homme aux semelles de vent » etc. ;
b. L’adolescent dévoreur de la vie et des joies païennes simples et fortes (le jambon, les tartines, « la fille aux tétons énormes » -sorte de Gaïa ou de Déméter, de déesse nourricière-, la « chope » de bière etc.) : l’érotisme oral, qui va de pair avec le rire (et l’auto-dérision du « conquérant de Charleroi ») ;
c. Le chant d’un monde primitif et « naïf » dessiné à grands traits expressionnistes : les couleurs vives, les mets grossiers, etc. qu’atténue le « rayon de soleil » final célébrant le « pur présent », qui est éternité.
2-L’amplification poétique :
a. Une scène vécue déformée par la rhétorique : les procédés d’amplification « qualitatifs » (vocabulaire amplificateur, allitérations, assonances emphatisées, rimes riches etc.)
b. Une poétique du débordement : l’expansion « quantitative » du vers qui « s’allonge », comme « les jambes [du poète] sous la table » au v. 5, sur le vers suivant (les multiples rejets à la rime ou à l’hémistiche, les enjambements) ; de la strophe qui déborde sur la strophe suivante ; une métrique bousculée, en tension par rapport à la syntaxe…
c. Poésie reflet réaliste d’une scène vécue ou reflet déformé, invention poétique, d’une scène entièrement recréée ? De quoi se souvient Rimbaud quand il compose : de la scène réellement vécue ou du poème inventé, au fur et à mesure de la concrétion des mots dans le travail amplificateur de création ? La poésie « en avant de l’action » (de mémorisation), qui invente le souvenir, le re-présente à la mémoire, totalement et définitivement transformé… »
3-Rimbaud, poète révolutionnaire… ou subversif ?
a. Rimbaud révolutionne les règles d’écriture du sonnet et les thèmes traditionnellement traités, côté pile :
i. sur la forme : les rimes croisées des 2 quatrains, la césure flottante (rejets, césures sur le «e »), l’autonomie du vers et de la strophe non respectée ;
ii. sur le fond : un thème pris à la vie courante et « vulgaire » (la scène de taverne), un vocabulaire familier etc.
b. …et cependant, Rimbaud maintient la forme (et le fond) du sonnet traditionnel dans son ensemble, côté face :
i. sur la forme : la structure des strophes, le maintien des alternances de rimes masculines et féminines, l’alexandrin etc. ;
ii. sur le fond : il reprend des thèmes déjà traités : la servante de cabaret, le « carpe diem », jusqu’au « rayon de soleil » final qui est emprunté…
c. Une poétique de la subversion et de la parodie : maintenir une forme académique dans un souci d’inventivité sous l’action d’une contrainte, mais aussi de reconnaissance sociale (vis-à-vis des pairs), tout en exprimant sa révolte par des transgressions (la fameuse « émancipation créatrice » et non « destructrice », ou plutôt « créatrice » à partir de la destruction d’une forme ancienne subvertie de l’intérieur) : il joue sur les limites techniques de l’exercice (ce qui est aussi l’expression poétique de sa joie, de sa vigueur, et prouve sa virtuosité), il invente, fait des « variations sur un thème » en réactualisant des procédés anciens ou en empruntant à des auteurs anciens (et notamment latins) d’une manière qui reste inaperçue, parfois parodique (présence d’un hypotexte) : Rabelais (qu’il a lu), le « carpe diem » de Lucrèce ou d’Horace, le « rejet » virgilien, la « densité syllabique » du vers transposition du « poids métrique des syllabes latines » etc.
(suite du 22.10)
A l’appui de cette « richesse » du festin re-présenté, re-vécu dans le poème, il y a bien sûr le recours à des rimes « lourdement » (pour ne pas dire « épaissement ») riches : « bot-tines/tar-tines » ; « t-able/ador-able » ; « é-peure/beurre » (avec un jeu sur l’allitération « b/p », 2 occlusives bilabiales) tout à fait assorties aux « tétons énormes » (« hénaurmes », aurait dit Flaubert) de la « grosse Flamande».
Les autres rimes sont suffisantes, ce qui d’ailleurs fait lire une synérèse à « colo-rié », et non une diérèse (et donc invite à placer la césure après « ti-ède/ »), pour faire rimer « suffisamment » « colo-rié » avec « arrié-ré ». Il n’y a évidemment pas de diérèse à « arri-éré » (comme je l’ai lu ailleurs !?), ce qui donnerait 13 pieds au vers, licence que Rimbaud ne pouvait se permettre pour faire accepter son poème, la licence d’un « e » à la césure étant plus aisée à « faire passer »…
J’ai aussi parlé d’assonances, j’aurais pu préciser : d’ « assonances emphatiques» avec voyelles nasalisées (« em », « am » : « m’emplit la chope immense ») allant toujours dans le sens de la grandiloquence et de l’excès qui est le propre du poème.
Dans « Au Cabaret vert » Rimbaud célèbre, au-delà de la péripétie sans importance (« abstraite » aurait dit Hegel), un profond moment de bonheur « vert » qui prend une dimension cosmique : il y a là de l’épicurisme non au sens orgiaque du terme, puisque les Epicuriens prônaient l’ascétisme pour atteindre l’ataraxie, mais au sens où le poète célèbre l’instant (le kairos), le temps opportun qu’il faut savoir saisir pour parvenir à une certaine sagesse, sagesse qui transparait peut-être à la toute fin du poème dans ce « rayon de soleil arriéré » qui apaise la scène et sur lequel Rimbaud jette le regard de celui qui sait contempler et relativiser l’excès pour en garder l’essentiel, à la fois si ténu et si éternel…
J’ai dit précédemment que Rimbaud dépasserait la structure contraignante du sonnet quand il en aura « fait le tour » et « épuisé toutes les virtualités créatrices » d’un point de vue technique, quand il se sera prouvé la parfaite maîtrise de son art, il faudrait rajouter : quand il n’aura aussi, et peut-être surtout, plus rien à prouver… aux autres poètes.
On ne peut ignorer tout ce besoin de reconnaissance du jeune Arthur à cette époque de sa vie par ses pairs, et notamment les poètes parnassiens, Banville en tête : à Banville par Demeny en quelque sorte (Banville auquel il écrira directement deux fois, en 1870 et 1871, le suppliant la première fois, en vain, d’être édité au « Parnasse contemporain »), jusqu’à la rencontre avec Verlaine… Et pour « être reconnu » Rimbaud a besoin d’adopter les codes reconnus : le sonnet, le mètre, la rime etc. Il va donc investir ces formes « mesquines », mais comme la révolte en lui est la plus forte, il va les subvertir, il va exprimer sa révolte « de l’intérieur » et de manière « hypocrite » (« les âcres hypocrisies » des « Poètes de sept ans » qui furent pour lui aussi et surtout un moyen de se protéger de la « mother » et des institutions, tout en faisant « passer le message ») : Rimbaud adore la parodie, il est à de nombreux moments davantage un subversif qui renverse de l’intérieur à visage couvert (ceux qui le lisent peuvent ne pas très bien savoir de quel côté il se trouve, tant son langage peut être crypté, et le latin l’y a aidé, c’est le cas emblématique de « Ce qu’on dit au Poète à propos de fleurs » adressé à Banville en août 1871, signé Alcide Bava, et dont l’interprétation va de la parodie cruelle de Banville chez André Guyaux… à la critique du monde moderne chez Antoine Adam) qu’un révolutionnaire qui détruit de l’extérieur et au grand jour, ou plutôt « la Révolution » chez lui peut présenter, ici ou là, le visage lié à son sens originel : celui d’un retour à l’esprit de l’origine, c’est-à-dire ici à la grande poésie latine dont il a tété la muse dès ses 12 ans et par laquelle il est né à la poésie (« Tu vates eris »), comme la Révolution (et a fortiori le Consulat et l’Empire) dans son « dépassement » de la Monarchie fut ce retour à l’esprit de la République romaine, dans sa forme, ses institutions, son vocabulaire, son art etc.
Une étude passionnante de Michel Murat « Sur l’arête des cultures », dont je vous livre ici le lien, analyse avec précision toute cette imprégnation du vers latin dans la poésie française de Rimbaud, notamment dans les poèmes de 1870 (dont « Les Cahiers de Douai ») et 1871 et au-delà, à un moindre degré, dans « Une Saison en enfer » jusqu’aux « Illuminations »… cela se traduit, entre autres, au niveau de la syntaxe, de l’ordre des mots, de l’emploi des rejets (courants chez Virgile et repris par Hugo : « O Virgile, O mon maître »), du participe passé, des « verbes opérateurs », d’expressions latines « traduites » (i.e. « trans-mises », de « trans-ducere »), du lexique, etc.
https://www.persee.fr/doc/litts_0563-9751_2006_num_54_1_2000
L’étude est trop technique et alimentée aux sources pour en rendre compte ici en quelques mots.
Je vous livre ici un premier extrait révélateur de cette recherche si décisive : « Lorsque Rimbaud écrit les vers lourds de « Soleil et chair » [dans les « Cahiers de Douai », poème envoyé à Banville en 1870 sous le titre de « Credo in unam », titre qui parodie le « Credo in unum Deum » chrétien], par exemple, il a en mémoire non seulement ceux du « De Natura rerum » mais ceux qu’il a composés dans ce style (« Ver erat ») et ceux de sa propre paraphrase en français de Lucrèce. Or il y a une manière de scander le vers et de peser les syllabes (c’est-à-dire de passer du poids métrique des syllabes latines à une mise en œuvre de la densité syllabique) qui se nourrit de la connaissance et de la pratique du vers latin ; on la trouve chez Chénier, Hugo, Baudelaire, mieux que chez Heredia qui mime les « vers antiques » davantage qu’il ne les « fait ». »
Ernest Delahaye, l’ami d’enfance, le confident des premières années, a souligné cet aspect essentiel de la poétique rimbaldienne : « il ramenait la littérature française à la nourriture latine : il la faisait plus que jamais classique », et ailleurs : « Emules de Rimbaud, faites d’abord des vers latins ! », ou encore : « Tel Rimbaud possédé par les Latins».
Tous les grands auteurs ont été d’abord, à des titres divers, de grand plagiaires puisque la littérature s’apprend d’abord dans les textes, à la lecture des Maîtres, et ce n’est pas Proust et ses « Pastiches et mélanges » qui dirait le contraire…
Mais « imiter » n’est pas « recopier » servilement ni «la nature », ni « les auteurs » d’après une mauvais compréhension de la « mimesis » aristotélicienne, on l’a déjà vu plus haut : c’est reprendre « de l’intérieur » l’esprit davantage que la lettre, c’est recréer, faire revivre (et l’on ne fait pas « revivre » en se contentant de « recopier les contours ») et Delahaye a raison de préciser (peut-être un peu sévèrement) : « Je ne crois pas que l’on puisse trouver une école plus en dehors de la beauté antique que l’école de David. Ces gens-là sont tout ce que l’on veut sauf des classiques, tandis que Watteau etc. »
Quand Rimbaud aura prouvé, si vite (le génie n’attend pas pour atteindre et dépasser les sommets, cf. Mozart en musique) toute sa virtuosité dans la forme « classique » réinventée, subvertie (où l’on voit toute l’importance, au passage, du sonnet comme forme témoin unique du renouvellement et de l’évolution de la poésie depuis la Pléiade jusqu’à Apollinaire avec « Les Colchiques », via Verlaine et son sonnet inversé), qu’il l’aura saturée, fait exploser, et surtout qu’il aura fait le tour du prétentieux « Cercle Zutique », qu’il se sera fait chasser pour finir du dîner des « Vilains Bonshommes » fin 1871 après de multiples crises violentes, qu’il aura donc dépassé le besoin adolescent de « reconnaissance », alors il expérimentera au printemps 1872 d’autres rythmes plus musicaux, plus aériens (sous l’influence de Verlaine ?) qui lui imposeront d’autres « contraintes » plus souples et peut-être plus « médiévales » et « pétrarquisantes », mais tout aussi incitatrices à la création, avant de pénétrer dans les eaux profondes et plus apaisées des « Illuminations » sans toutefois abandonner complètement le souci d’être édité, qui ne le quittera qu’avec la poésie en 1874-75 laissant désormais à d’autres (à Germain Nouveau, à Verlaine) le soin de nous transmettre le flambeau toujours brûlant…
Mais jamais, jusque dans les « Illuminations », l’empreinte profonde du vers latin ne disparaîtra, et je voudrais pour finir vous citer deux autres courts passages de l’article de Michel Murat pour vous en donner un avant-goût qui vous incitera peut-être à vous y reporter tellement l’étude est riche d’enseignement : « Bien avant Baudelaire, c’est certainement chez les satiristes latins, Catulle, Martial (et même Horace à l’occasion) que Rimbaud a trouvé des modèles, et surtout l’idée que ce visage extravagant et démoniaque de la « liberté libre » n’est rien d’autre que la littérature », et plus loin, tout à la fin de l’article d’une dizaine de pages, : « Je voudrais néanmoins affirmer, pour conclure, que parmi les poètes modernes (je ne compte pas Chénier parmi eux : comme poète, il appartient à l’âge précédent), il n’en est que trois que le latin ait marqué d’une empreinte profonde au cœur de leur œuvre, bien au-delà d’apprentissages qu’ils ont partagés avec presque tous les hommes de lettres et avec l’élite sociale de leur temps : Hugo, Baudelaire, et Rimbaud. Peut-être n’est-ce pas un hasard s’ils furent dans leur langue -j’excepte Mallarmé, dont l’idiome est entièrement reconstruit – les plus grands : nos vrais classiques, ceux qui se tiennent sur l’arête des cultures. »
Beaucoup a été dit et écrit sur ce sonnet des « Cahiers de Douai » appartenant au deuxième ensemble de poèmes recopiés par Rimbaud au recto de 6 feuillets (sur les 25 que comprend l’ensemble conservé à la « British Library » à Londres) dans la deuxième quinzaine d’octobre 1870, à Douai, chez les sœur Gindre, parentes de son professeur de rhétorique Georges Izambard, et ne comprenant que des sonnets (7 au total sur les 22 poèmes du recueil) se rapportant à la seconde fugue du jeune poète entre le 2 et le 11 octobre 1870 (d’autres sources donnent entre le 6 et le 15), feuillets remis au poète douaisien, ami d’enfance d’Izambard, Paul Demeny (Rimbaud n’a pas encore 16 ans, il les aura le 20 octobre).
Les amateurs de la « petite histoire » pourront suivre toutes les péripéties de la fugue : de « Ma Bohême » jusqu’au « Dormeur du val », en passant par « Au Cabaret Vert », « La Maline » ou « Rêvé pour l’hiver » (autrement titré : « En Wagon ») etc., pour autant que les « tableaux » présentés relatent fidèlement des scènes « vécues », ce dont on peut douter, pour le « Dormeur du val » entre autres…
Je reviendrai plus loin sur certaines « irrégularités » métriques et rimiques du poème, ou liées à la construction même du sonnet : césures flottantes, multiplication des rejets et contre-rejets, rimes croisées (et non embrassées) pour les quatrains, 2nd quatrain qui se poursuit dans le 1er tercet, au vers 10 au-delà du vers 9 placé en incise entre tirets, par un rejet et un enjambement.
Le vers 11 est un modèle d’irrégularité métrique : « Du jambon tiède, dans un plat colorié, », avec 2 diérèses possibles et une césure impossible à placer : qu’on la place après le « e » de « ti-ède/ » (« e » muet placé devant le « d » de « dans », et que l’on doit donc prononcer) après avoir fait une diérèse, ou qu’on la place après « dans/ » (en contre-rejet à l’hémistiche !?) en reportant la diérèse à la rime « colori-é », comme je l’ai lu dans un commentaire : vers de toute manière illisible canoniquement…
Mais que veut dire tout cela à une époque où Rimbaud, qui souhaite être édité au Parnasse ne l’oublions pas, a encore le souci de respecter les règles prosodiques tout en les faisant évoluer de l’intérieur, à partir de formes canoniques éprouvées, comme le sonnet ici ? Qu’Arthur joue, et il joue avec les formes, avec les mots, parce qu’il est heu-reux, d’une joie que l’on peut qualifier de « débordante » ! C’est un grand moment de bonheur qu’évoque ici le jeune garçon, un bonheur très physique, simple et sensuel, qu’il prolonge et nous fait partager dans et par le poème, car pour Rimbaud tout passe par les mots, prend sa vraie dimension dans et par la poésie, et la joie adolescente est, on le sait, naturellement insolente et transgressive.
Cette sensualité par laquelle Rimbaud s’est d’abord éveillée à la poésie, et à la vie tout simplement, que l’on retrouve dans les premiers poèmes de 1870, se spiritualisera bientôt dans les « études néantes » des « Derniers vers » de 1872 et, au-delà, dans les « Illuminations », comme nous l’avons vu pour « L’Eternité » ou « Aube » : à l’esprit par la chair, mais nous n’y sommes pas encore…
Contrairement à ce qui est souvent dit, le thème horatien du « Carpe diem » (n’oublions pas que Rimbaud est né à la poésie à 14 ans en composant un poème latin sur le modèle d’une ode d’Horace lors d’un concours académique de vers latins dont il remporta le premier prix : « Ver erat ») n’est pas nouveau, même dans la poésie académique, et l’on pense d’ailleurs que Rimbaud s’est inspiré ici d’un poème du Maître parnassien Théodore de Banville : « La Ballade pour la servante de cabaret » …
Nous sommes encore loin de la « poésie objective » projetée dans les « Lettres du voyant » de mai 1871, telle que nous la percevons par exemple à la lecture des « Derniers vers » de 1872 : ici la poésie est toute subjective, « pleine » de l’auteur et de son appétit de vivre, de son insolence adolescente : Rimbaud s’y étale en même temps qu’il « allonge les jambes sous la table ».
Est-ce à dire que le principal intérêt du poème réside dans l’aspect réaliste et « vécu » de cette scène de taverne ? D’aucuns ont d’ailleurs retrouvé la trace de ce « cabaret vert » qui s’appelait de fait : « La Maison-Verte », un cabaret de routiers à la périphérie de Charleroi.
Désolé, mais cela ne nous fait pas avancer d’une once dans la compréhension et l’appréciation du poème !
Si le thème de la « servante de cabaret » n’est pas vraiment nouveau, si la forme académique du sonnet est globalement respectée dans ses contours essentiels, alors où se trouve l’intérêt de ce poème ? Dans le traitement de la forme à l’intérieur de la forme, dans les libertés prises concernant la métrique (davantage que la rimique), libertés évoquées plus haut et qui se caractérisent toutes par l’exagération, l’emphase (renforcée par le choix des mots, des adjectifs, les assonances et allitérations), par le débordement encore contenu et canalisé pour un temps dans la ligne du vers : les digues n’ont pas encore complètement cédé… mais ça ne saurait tarder ! Rimbaud joue sur les limites de la technique, il amène le sonnet à la limite de ses capacités de résistance métrique mais l’on sent bien que « les inventions d’inconnu [vont bientôt] réclame[r] des formes nouvelles ». Le sonnet est secoué, balloté, mais il résiste car Rimbaud veut encore le maintenir en vie : son heure n’est pas encore complètement arrivée de renverser la table, et il ne la renversera que quand il sera parvenu à la maîtrise parfaite de « la forme mesquine » dont il a encore besoin pour se faire les griffes, quand il en aura complètement fait le tour, quand il en aura épuisé toutes les possibilités créatrices à l’intérieur contraignant de ce cadre, après avoir écrit « Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs », « Les Poètes de sept ans », « Voyelles », « Les Premières Communions » ou « Le Bateau ivre » en juillet 1871, près de dix mois plus tard, et que cette contention (au sens thérapeutique) de l’ancienne forme aura finalement permis aux «inventions d’inconnu » d’atteindre leur paroxysme dans l’adversité, d’aiguiser et d’éprouver la puissance libératrice de leur force inventive jusqu’à faire craquer le système, jusqu’au vers libre et au poème en prose… « Les inventions d’inconnu réclament des formes nouvelles » certes, mais ces « formes nouvelles » ne sont que l’évolution des « formes anciennes » arrivées à maturité : elles ne sortent pas de rien, et le vers libre, on le sait, est issu du vers classique, il en est l’aboutissement comme le fruit est l’aboutissement de la destruction de la fleur ou la République le dépassement de la Monarchie… Comment l’éminent latiniste que fut Rimbaud, formé au vers latin, à Virgile dont il connaissait des passages entiers de « L’Enéide » ou des « Bucoliques », à Horace, pourrait-il prétendre le contraire ? Certes « il faut être absolument moderne » c’est-à-dire « en prise absolument avec le réel», mais les vrais « Modernes » (i.e. ceux qui ont fait durablement évoluer la littérature française au XVIIème) furent les « Anciens », et les « anti-modernes » furent au XIXème le véritable sel de la modernité, comme l’a montré Antoine Compagnon, ceux qui ont su toujours garder un regard critique sur la modernité.
Je pense que l’on peut compter Rimbaud au nombre de ces éminents « anti-modernes », c’est-à-dire, à son époque, un anti-romantique et un anti-parnassien, même s’il est l’héritier quelque part de ces deux mouvements qu’il a su complètement dépasser dans le sillage plutôt de Baudelaire et Verlaine (voire de Nerval)…
Qu’importe alors que « la table » ait été réellement « verte », l’important est ce : « Verte » qui éclate comme un printemps en rejet du vers 5, et l’on sait que cette couleur fut la couleur emblématique du jeune Rimbaud, un « topos rimbaldien» pourrait-on dire (voir l’article de Suzanne Bernard sur « La palette de Rimbaud »), et que veulent dire « les tartines de beurre » (2 occurrences), le « jambon » (3 occurrences, repris dans une anaphore dérisoire aux vers 11 et 12), « jambon qui fut à moitié froid » ici, « tiède » là, « jambon rose et blanc » de surcroît « dans un plat colorié », « tartines » et « jambon » qui saturent le poème de leur présence débordante et charnelle au côté des « tétons énormes » avec lesquels on peut les confondre en y mordant dedans à pleines dents, sans parler de la « chope immense » et de « sa mousse » (autre « topos » rimbaldien, comme en parle Jean-Pierre Richard) qui parfont le riche tableau digne d’une œuvre de Jérôme Bosch ou de Brueghel l’Ancien ? Explosion de couleurs et de mets : ça déborde de « la table » sur le vers suivant en de nombreux et vifs rejets : « [la table]/ Verte », «[les sujets très naïfs]/De la tapisserie », «[la fille aux yeux vifs]/ Rieuse », «[la gousse]/ D’ail »… On est chez Rabelais et toute son emphase, sa truculence… Et l’on voit même, dans une sorte d’auto-dérision avérée, Rimbaud « rentrer à Charleroi » comme un général de retour de campagne victorieuse (celle que justement n’a pas su mener Napoléon III enfermé à Sedan) pour venir fêter sa conquête au cabaret, dans une ambiance évoquée avec force adjectifs hyperboliques (« tétons énormes », « chope immense »), multiplication des assonances (en « em », « am ») et autres allitérations (en « t », « r », « m » ou « s ») notamment aux vers 10 et 13, rendant la diction du vers difficile, tellement on en a « plein la bouche » !
Et que dire de ce vers 9 inséré entre tirets au début du premier tercet qui vient rompre de manière totalement transgressive la continuité de la phrase allant du vers 8 jusqu’à la fin du poème (autre « transgression » dans la composition des strophes) en mêlant l’interpellation familière : « Celle-là », au mot rare tout droit venu du XVIème siècle : « épeurer » (ardennisme ?) remis à la mode par George Sand, emblème d’un poème qui mêle l’ancien et le nouveau, scène de genre populaire et recherche de style ?
« Les mets, les couleurs et les sons » s’entrechoquent, plus qu’ils ne « se répondent », et l’on entend tout le brouhaha d’un lieu qui nous en met plein la bouche, les yeux et les oreilles : il y a longtemps que Rimbaud a quitté tout souci de réalisme dans la description de la scène !
Dans cette poésie du corps et du « débordement », la première poésie rimbaldienne, Rimbaud pressent-il déjà que de mai à novembre 1871, entre 16 et 17 ans, il va grandir de 20 centimètres, passant de 1m 60 à 1m 80 en l’espace ce 6 mois ?
On a parlé de l’impressionnisme de Rimbaud où les sensations tremblantes et encore floues du poète sont jetées sur la feuille, antérieurement à toute analyse conceptuelle : cela est sans doute vrai ailleurs ou plus tard, dans les « Derniers vers » ou les « Illuminations », mais ici nous serions davantage dans la franchise des tons d’un Van Gogh (strict contemporain de Rimbaud) ou d’un Gauguin, que dans les tons plus nuancés d’un Monet, d’un Sisley ou d’un Renoir !
Rimbaud force le trait, il exagère, il déforme « grossièrement », et cette truculence fait tout le charme de ce poème aussi peu « réaliste » qu’il se peut.
Izaya parle plus haut dans un commentaire de « sous-entendus sexuels », je parlerais plutôt d’érotisme culinaire, ou gastronomique, mais l’on sait que le chemin est court d’un érotisme à l’autre : c’est simplement histoire de tonalité majeure de la pulsion… Le « sexuel » se retrouvera plutôt dans l’épisode suivant, celui de « La Maline » avec une autre servante (sans doute la même, dont on connaît jusqu’au nom : « une grosse flamande qui s’appelait Mia » précise Antoine Adam, c’est fou ce souci du détail « réaliste » …) et se poursuivra peut-être dans « En Wagon », autrement titré : « Rêvé pour l’hiver » ?
Même si dans « Une Saison en enfer » Rimbaud tournera en dérision ses centres d’intérêt de l’époque : « J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors […], refrains niais, rythmes naïfs » (comment ne pas y voir une allusion au « sujets très naïfs de la tapisserie » du « Cabaret-Vert » et bien entendu à « L’Eclatante victoire de Sarrebrück » poème des « Cahiers » composé à partir d’une « gravure belge brillamment coloriée » ?), il gardera longtemps en mémoire ce « lieu vert » comme un « locus amoenus », un lieu du bonheur simple à jamais enfui et enfoui (a-t-il d’ailleurs jamais vraiment existé autre part que dans le poème ?) : « Et si je redeviens/ Le voyageur ancien/ Jamais l’auberge verte/ Ne peut bien m’être ouverte », soupire-t-il dans la « Comédie de la soif » des « Derniers vers », poésies de 1872…
A l’instar de « L’Eternité », pourrait-il sans doute écrire : « Il est retrouvé. / Quoi ?- Le Bonheur. / C’est le cabaret/ Qui était tout vert. » La poésie comme lieu du retour aux choses mêmes, telles qu’elles ont été rêvées plus fortement que vécues dans aucune « réalité » : Rimbaud a-t-il jamais assisté à un lever (ou coucher) de soleil sur la mer ? Non (pas à l’époque du moins de la composition de « L’Eternité ») ! Ce qui ne l’empêchait pas de « s’offrir [déjà] au soleil, dieu de feu ». A-t-il jamais fait halte au Cabaret-Vert ? Peut-être ! Fut-ce un moment de profond et « réel » bonheur ? Sans doute… mais on ne peut s’empêcher de penser, à la lecture du poème, que ce bonheur fut amplifié, typifié, prolongé, « éternisé » même, enjolivé et porté à son paroxysme par l’écriture poétique et que c’est de cette réécriture, ou à travers cette réécriture, que Rimbaud a surtout gardé le souvenir d’un instant de bonheur, après en avoir si heureusement et décisivement « trouvé le lieu et la formule » (comme chacun de nous, mutatis mutandis, se rappelle surtout de la « réécriture » embellie de sa propre histoire, pour les instants enregistrés comme des instants de bonheur, du moins) !
Je voudrais terminer par ce « rayon de soleil arriéré » qui dore la mousse de la bière et clôt le poème… rayon sur lequel il y aurait tant à dire (comme pour beaucoup d’autres chutes des poèmes rimbaldiens et leur formulation magique) et que l’on voit réapparaître dans d’autres poèmes de Rimbaud, souvent à la fin, et sous de multiples formes : « Aube » : « Au réveil il était midi », « Les Ponts » : « Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie », au cœur d’ « Alchimie du verbe » : « Oh ! le moucheron enivré à la pissotière […] et que dissout un rayon »… « Rayon » sans doute déjà emprunté à un autre parnassien, Jules Forni dans « Ma chope » (« A travers le soleil, je regarde la bière »), mais surtout « rayon » (que l’on retrouvera chez Mallarmé à la fin de « Soupir ») qui semble abolir la scène, l’effacer, l’adoucir, parfois la nier, comme si tout ce qui précédait n’était que l’ombre d’un rêve, l’illusion d’une illusion, le désir « d’un désir demeuré désir » : rien ne s’est passé qui ne devait arriver, seul le soleil (et le poème) demeure…
Après avoir lu tous ces commentaires je peux vous dire que la plupart sont ignorants… Le fait est que vous n’avez pas vu les sous-entendus sexuels pourtant évidents. Bien à vous.
Sincèrement, ce n’est pas le texte de Rimbaud qui est obsédant … Mais plutôt certains commentaires.
Je me demande de quel côté Rimbaud penchait. Comme dirait le maître Ibrahim, Peu de gens savent, qu’ils ont besoin de savoir, pour qu’au final, ils ne savent rien.
Eh bien ! ce poème me donne envie de cuisiner. Et dans ma bouche, croyez-moi, c’est un grand hommage. Ce poème est absolument délicieux, faussement simple et pourtant envoûtant.
J’ai adorée ce poème ! Je suis en première partie bac français et Rimbaud fait partie de mon parcours. Waw quel poète vraiment fascinant.
D’après mon expérience, il atténue la réalité notre Rimbaud, dommage.
Ouai j’ai bien aimé, mais comme le dit un grand homme « on peut sortir singe de la forêt mais on peut pas sortir forêt de la singe ».
C’est très beau, j’ai lâché ma larme… Bravo et merci de produire des chefs d’oeuvre pareil !
Magnifique
Franchement, en trois mots, ouai pas mal!
Pour ceux qui pensent qu’il mange deux fois du jambon, le premier « à moitié froid » et le second « tiède », sachez que les deux termes désignent le même état du jambon ! Quand un aliment est tiède, il est à moitié chaud et à moitié froid !
Je trouve que ce poème est triste…
Lisez, relisez, relisez encore, apprenez par cœur, récitez puis taisez-vous, tout commentaire est superflu voire superfétatoire.
Le premier quatrain de ce poème témoigne de la simplicité de la vie de Rimbaud et sa quasi indigence :
« Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins ».
Quant à la rime, elle est magique. De toute évidence, Rimbaud fut un être supérieur de la trempe du surhomme nietzschéen.
Rectifions le commentaire de « Dudule l’Ardennais »…fût est écrit par Rimbaud avec un accent circonflexe et c’est la bonne écriture… Désolé Dudule !
Voici un bon moyen pour savoir écrire « fut ou fût »
Il faut écrire fut, sans accent quand on peut dire au pluriel : « furent » et ce n’est pas le cas ici.
Il faut écrire fût avec accent si au pluriel on peut dire « fussent » et c’est qui bien le cas ici : « des jambons qui fussent à moitié froids »
Et voilà mon cher Dudule…!
J’ai beaucoup admiré le poème de notre cher Rimbaud et je pense qu’il fait partie de mon top 3 des poèmes que j’ai le plus apprécié avec « L’étoile a pleuré » et « Aimons toujours ! Aimons encore… ». Je trouve que Rimbaud arrive à décrire ce que nous pouvons voir chaque jour sans y faire attention. On peut dire qu’il savoure l’instant présent.
C’est moi, ou bien il y a une faute avec « fût » qui ne devrait pas avoir d’accent circonflexe ? Et que dire de ce « j’entrais » à l’imparfait alors que le temps attendu aurait dû être le passé simple…
Problème de transcription ?
Ah… Merci Thierry Steinier pour ces infos pas très réjouissantes, cependant vous le savez bien : d’autres ont survécu largement à l’atroce… CharleTown ! Bien amicalement à vous
Je suis natif de Charleroi. Pour votre info, le « Cabaret-Vert », devenu la « Maison Verte », a survécu jusqu’il y a 4 ou 5 ans, à la rue Léoplod, rebaptisée récemment « rue de Charleville » en hommage à la ville natale de notre cher Arthur.
Mais hélas, tout ce (vieux) pâté de maisons a été rasé pour faire place à un Xième centre commercial, pompeusement appelé « Rive Gauche » (oui, situé sur la rive gauche de la Sambre toute proche)
Il ne subsiste même pas une plaque commémorative (alors que, 150 mètres plus loin, une plaque indique l’endroit où l’aide de camp de Napoléon passa sa dernière nuit avant de mourir, le lendemain, à Waterloo…(morne plaine, comme tout le monde le sait…).
Que de fautes d’orthographe dans tous ces commentaires de gens pourtant a priori lettrés ! Le meilleur : pervert… contraction de Prévert et du cabaret vert ? Rimbaud pervers ? Mon Dieu ! Pardonnez-lui, elle ne sait pas ce qu’elle dit !
René, c’est là, un poème que j’aime énormément. Je l’avais perdu de vue, mais heureusement je le retrouve ce soir à 22h34 et j’aurai grand plaisir à le réciter à mes amis Belges demain midi.
Ouais, dans ses premiers poèmes, comme celui-ci, on comprends encore facilement tant sensoriellement que mentalement ce que Rimbaud cherche à nous faire partager de son expérience ou de son observation (comme dans l’histoire du vagabond de « La Bohème » ou dans le « Trou de verdure » où les deux trous rouges c’est l’impact des balles qui fait qu’on s’aperçoit en observant mieux que le soldat ne dort pas ; il est mort! Maurice)… dans les poèmes plus tardifs, par contre, comme « Le Bateau ivre » … accroche-toi! 😉
Génial
One of my all-time favorite French poems. So immediate. And vivid. Atmospheric.
Je l’ai eu à l’oral du capes de lettres. Très beau texte, merci Rimbaud !
C’est joli! Je l’ai eu au bac en 1982 – oral 🙂 Bon souvenir!
Ceausu maurice Pour répondre a ta question par rapport au fait que tu penses qu’il mange deux fois du jambon, je te répondrai seulement qu’il commence par demander ce jambon dans la première strophe et quelle lui apporte dans la troisième. Tout simplement 🙂
Il joue avec les couleurs (le cabaret vert, la table verte, le jambon rose et blanc, le plat colorié, l’or du soleil) et les parfums (le parfum d’une gousse d’ail) On dirait une oeuvre de peinture impressionniste : sujets très naïfs de la tapisserie, mousse « dorée » par un dernier rayon du soleil. Fugacité omniprésente. Quelle art !
J’ai lu un tas de choses sur ce poème mais rien qui me fasse comprendre POURQUOI l’on passe 1- des tartines de beurre et du jambon qui fût à moitié froid à 2- des tartines de beurre et du jambon tiède dans un plat colorié… Et j’en conclus que l’étape 1 est bien réelle, et que l’étape 2 est imaginative, contemplative et digestive après qu’il « eût allongé ses jambes et contemplé la tapisserie ». Il pénètre dans la tapisserie et refait le décors par la vagabonderie rêveuse. Toute la force de la poésie qui rebâtit l’univers… Sinon le gamin il a mangé 2 fois du jambon ! Mangeaille, boisson et érotisme éclairés par un « rayon de soleil ». Aussi fort que « c’est un trou de verdure… il a 2 trous rouges au côté droit » ! Moi c’est ma version qu’en pensez-vous ? Merci de votre aide.
C’est quand qu’il a était crée ce poème s’il vout plait.
Malgré la simplicité du langage épuré, la progression de la sensation, que suscite une énumération superbement agencée,vers un final qui débouche sans qu’on puisse expliquer pourquoi, sur une situation dont le provisoire inquiète sourdement. Du très, très grand art.
La grande beauté alliée à la simplicité de ces vers nous rapprochent de ceux de Rêvé pour l’hiver (« L’hiver nous irons dans de petits wagons roses… ») et de Ma bohème (« Je m’en allais dans mes poches crevées… ») du même Rimbaud. Ah cher Arthur, quel génie tu fus de nous rappeler l’immense bonheur du temps qu’il nous est donné de vivre en ce monde « qui est parfois si joli » ( Prévert) .
La poésie, ce n’est pas pour pour les juges, ni les puceaux. C’est l’expression de la liberté
N’y a t il que moi qui voit une magnifique métaphore sexuelle à la dernière strophe ? Venant de notre subtil Rimbaud, elle ne me surprends guerre.
J’aime ce poème !
bon poème, je l’aime bien
La simplicité est toujours reine. N’y a t il pas une belle leçon de chose a tiré de ce poème ? Il me semble que si, à l’image du Pain de Francis PONGE, RIMBAUD sort de sa banalité une simple halte dans une auberge pour laisser savourer au lecteur tout le plaisir qui réside dans le fait de se reposer. En cela est le talent, faire de rien un tout.
ça m’aide pas vraiment !!!! 🙁
un peu pervert quand meme