C’était sous l’équateur. Dans la vague apaisé
Le char des jours plongeait ses flamboyants essieux,
Et la nuit, s’avançant sur la voie embrasée,
D’ombre et de paix sereine enveloppait les cieux.
Les étoiles s’ouvraient sous un souffle invisible,
Et brillaient, fleurs de feu, dans un ciel étouffant.
L’Océan, dans son lit tiède, immense, paisible,
S’endormait fort et doux et beau comme un enfant.
Mais, tel qu’un fol esprit aux ailes vagabondes,
Rasant des flots émus le frissonnant azur,
Le vent des soirs courait sur les nappes profondes
Et, par instants, ridait leur sein tranquille et pur.
Et je suivais des yeux cette haleine indécise
Se jouant sur l’abîme où dort l’âpre ouragan ;
Et j’ai dit : « Dieu permet à la plus faible brise
De rider ton front calme, ô terrible Océan !
« Puissant et vaste, il faut la foudre et la tempête
Pour soulever ton sein, pour courroucer tes flots ;
Et le moindre vent peut, de son aile inquiète,
Importuner ton onde et troubler ton repos.
« Des passions, poète, il faut aussi l’orage
Pour soulever ta muse et ton verbe irrité ;
Un souffle peut aussi, dans la paix qui t’ombrage,
Troubler ta quiétude et ta sérénité.
« Toute vague a son pli, tout bonheur a sa ride.
Où trouver le repos, l’oubli, l’apaisement ?
Pour cette fleur sans prix notre cœur est aride !
L’inaltérable paix est en Dieu seulement.
« Pour moi, je n’irai point demander à la terre
Un bonheur qui nous trompe ou qui nous dit adieu ;
Mais toujours je mettrai, poète au rêve austère,
Mon amour dans la Muse et mon espoir en Dieu ! »
Auguste Lacaussade, Poèmes et Paysages