Un Plaisant

Charles Baudelaire

C’était l’explosion du nouvel an : chaos de boue et de neige, traversé de mille carrosses, étincelant de joujoux et de bonbons, grouillant de cupidités et de désespoirs, délire officiel d’une grande ville fait pour troubler le cerveau du solitaire le plus fort.
Au milieu de ce tohu-bohu et de ce vacarme, un âne trottait vivement, harcelé par un malotru armé d’un fouet.
Comme l’âne allait tourner l’angle d’un trottoir, un beau monsieur ganté, verni, cruellement cravaté et emprisonné dans des habits tout neufs, s’inclina cérémonieusement devant l’humble bête, et lui dit, en ôtant son chapeau : « Je vous la souhaite bonne et heureuse ! » puis se retourna vers je ne sais quels camarades avec un air de fatuité, comme pour les prier d’ajouter leur approbation à son contentement.
L’âne ne vit pas ce beau plaisant, et continua de courir avec zèle où l’appelait son devoir.
Pour moi, je fus pris subitement d’une incommensurable rage contre ce magnifique imbécile, qui me parut concentrer en lui tout l’esprit de la France.

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869

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5 commentaires sur “Un Plaisant”

  1. Combeferre1848

    dit :

    @kervella
    D’après les standards de l’époque de rédaction du poème (milieu XIXe) le plaisantin a l’air d’appartenir à la bourgeoisie, d’être aisé au point de se vêtir comme un dandy. On voit en effet dans la citation « un beau monsieur ganté, verni, cruellement cravaté et emprisonné dans des habits tout neufs » que le plaisantin a les moyens d’être bien habillé, sans doute de changer de vêtements régulièrement, et fait attention à sa mise.

  2. Kervella

    dit :

    Quel est la condition social de ce plaisantin ?

  3. Lionel

    dit :

    Afin d’aider les étudiants, voici comment je traduirai ce texte. Je n’ai pas de formation littéraire, alors je peux me tromper…

    « Un plaisant » = probablement un plaisantin.

    « ce beau plaisant » = le beau monsieur ganté… plaisantin.

    C’est le nouvel an dans toute son agitation, dans la neige boueuse, avec ses jouets et bonbons, qui apporte beaucoup à certains et rien à d’autres. Un moment magique pour certains, démontrant une folie certaine pour d’autres. Au milieu de ce vacarme l’auteur aperçoit un âne faisant son devoir, malgré lui, qui est fouetté par son maître, au point qu’il trotte. Un beau monsieur, bien habillé, qui peut paraître emprisonné dans ses propres vêtements stricts au regard des valeurs personnelles de l’auteur. Selon le jugement de l’auteur, sa tenue vestimentaire découle de la folie humaine des sociétés modernes. Ce beau monsieur plaisante à propos de cet âne asservi, en lui souhaitant une bonne et heureuse année. Le contraste entre un âne se faisant fouetter et un beau monsieur BCBG qui le nargue au lieu de compatir pour lieu, interpelle vivement l’auteur. Fier de sa bêtise, le beau monsieur demande à ses camarades de l’approuver et pourquoi pas de la surenchérir. L’âne ne remarqua même pas « ce beau plaisantin ». L’auteur eu à ce moment un sentiment de colère intense envers ce monsieur et son imbécilité. L’auteur sembla retrouver concentré dans cette attitude tout l’esprit de son pays à son époque. C’est-à-dire la transformation de sa société prenant une tournure « moderne » qu’il ne cautionne pas, ne comprend pas. Je finirai par citer Gandhi qui résume très bien cet écrit en une simple phrase : « On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux ». Beaucoup de pays, par cette juste définition, restent sous-civilisés.

  4. Sarah

    dit :

    Bonjour à tous, on me demande de faire un résumé de ce poème de Baudelaire mais je ne l’ai pas compris. Pouvez vous m’aider svp ?

  5. Amelie

    dit :

    Je dois chercher à savoir que signifie le titre « Un Plaisant » mais je ne trouve pas. Pouvez vous m’aider s’il vous plaît ?

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