Du fond de mon passé, je retourne vers toi,
Mytilène, à travers les siècles disparates,
T’apportant ma ferveur, ma jeunesse et ma foi,
Et mon amour, ainsi qu’un présent d’aromates,
Mytilène, à travers les siècles disparates,
Du fond de mon passé, je retourne vers toi.
Je retrouve tes flots, tes oliviers, tes vignes,
Et ton azur où je me fonds et me dissous,
Tes barques, et tes monts avec leurs nobles lignes,
Tes cigales aux cris exaspérés et fous,
Sous ton azur, où je me fonds et me dissous,
Je retrouve tes flots, tes oliviers, tes vignes.
Reçois dans tes vergers un couple féminin,
Île mélodieuse et propice aux caresses,
Parmi l’asiatique odeur du lourd jasmin,
Tu n’as point oublié Psappha ni ses maîtresses,
Ile mélodieuse et propice aux caresses,
Reçois dans tes vergers un couple féminin.
Lesbos aux flancs dorés, rends-nous notre âme antique,
Ressuscite pour nous les lyres et les voix,
Et les rires anciens, et l’ancienne musique
Qui rendit si poignants les baisers d’autrefois,
Toi qui gardes l’écho des lyres et des voix,
Lesbos aux flancs dorés, rends-nous notre âme antique,
Évoque les péplos ondoyant dans le soir,
Les lueurs blondes et rousses des chevelures,
La coupe d’or et les colliers et le miroir,
Et la fleur d’hyacinthe et les faibles murmures,
Évoque la clarté des belles chevelures
Et les légers péplos qui passaient, dans le soir,
Quand, disposant leurs corps sur tes lits d’algues sèches,
Les amantes jetaient des mots las et brisés,
Tu mêlais tes odeurs de roses et de pêches
Aux longs chuchotements qui suivent les baisers,
À notre tour, jetant des mots las et brisés,
Nous disposons nos corps sur tes lits d’algues sèches,
Mythilène, parure et splendeur de la mer,
Comme elle versatile et comme elle éternelle,
Sois l’autel aujourd’hui des ivresses d’hier,
Puisque Psappha couchait avec une immortelle,
Accueille-nous avec bonté, pour l’amour d’elle,
Mytilène, parure et splendeur de la mer !
Renée Vivien, A l’heure des mains jointes
Simplement magnifique pour qui apprécie la poésie grecque antique et tout le monde grec…c’est une question de sensibilité: tout ce qui évoque ce monde…les oliviers,les cigales,la musique des lyres,l’azur de la mer et di ciel…a quelque chose de magique!
TROP LONG !!!! Dommage car il est très beau.
Je me souviens de ce qu’en disais Maurras, qui, malgré une admiration nuancée pour une poétesse trop nordique à son goût pour retrouver de façon régulière le souffle grec, aimait particulièrement ce retour à Mytilène, un des plus greccs et donc un des plus beaux poèmes de Renée Vivien
Pourrais-je maintenant y revenir ? Y retrouveras-je ce que les belles voix mortes de Renée, et avant elle la grande Psapho en ont chanté ? Ce serait sans doute imprudent ! Outre que d’autres voix, Ronsard, mais aussi Baudelaire et le pauvre Lélian, mêlent leurs souffles pour faire la voix de Renée,
Que Mytilàne vive à travers les souvenirs qu’en ont laissés nos immortelles, n’essayons pas de ressusciter les morts.
De toute beauté, ce poéme est le reflet de la grace et de la sensualité, j’en aime le phrasé, l’odeur et l’écrin
Merci à RENEE VIVIEN, pour ces mots colorés et subtils.