Voyons, d’où vient le verbe ? Et d’où viennent les langues ?
De qui tiens-tu les mots dont tu fais tes harangues ?
Écriture, Alphabet, d’où tout cela vient-il ?
Réponds.
Platon voit l’I sortir de l’air subtil ;
Messène emprunte l’M aux boucliers du Mède ;
La grue offre en volant l’Y à Palamède ;
Entre les dents du chien Perse voit grincer l’R ;
Le Z à Prométhée apparaît dans l’éclair ;
L’O, c’est l’éternité, serpent qui mord sa queue ;
L’S et l’F et le G sont dans la voûte bleue,
Des nuages confus gestes aériens ;
Querelle à ce sujet chez les grammairiens :
Le D, c’est le triangle où Dieu pour Job se lève ;
Le T, croix sombre, effare Ézéchiel en rêve ;
Soit ; crois-tu le problème éclairci maintenant ?
Triptolème, a-t-il fait tomber, en moissonnant,
Les mots avec les blés au tranchant de sa serpe ?
Le grec est-il éclos sur les lèvres d’Euterpe ?
L’hébreu vient-il d’Adam ? le celte d’Irmensul ?
Dispute, si tu veux ! Le certain, c’est que nul
Ne connaît le maçon qui posa sur le vide,
Dans la direction de l’idéal splendide,
Les lettres de l’antique alphabet, ces degrés
Par où l’esprit humain monte aux sommets sacrés,
Ces vingt-cinq marches d’or de l’escalier Pensée.
Eh bien, juge à présent. Pauvre argile insensée,
Homme, ombre, tu n’as point ton explication ;
L’homme pour l’oeil humain n’est qu’une vision ;
Quand tu veux remonter de ta langue à ton âme,
Savoir comment ce bruit se lie à cette gamme,
Néant. Ton propre fil en toi-même est rompu.
En toi, dans ton cerveau, tu n’as pas encor pu
Ouvrir ta propre énigme et ta propre fenêtre,
Tu ne te connais pas, et tu veux le connaître,
LUI ! Voyant sans regard, triste magicien,
Tu ne sais pas ton verbe et veux savoir le sien !
Victor Hugo, Dernière gerbe
Il y a peut-être une explication que je ne connais pas, mais je trouve deux sources utilisant le mot « flamme » et non le mot « gamme ».
La première prétend être fidèle au manuscrit (effectivement, on y trouve quelques fautes, que la version présentée ici corrige):
https://fr.wikisource.org/wiki/Dernière_Gerbe
La deuxième est une thèse de Sophie Legendre: « Les influences hispano-orientales dans l’oeuvre poétique, graphique et dramatique de Victor Hugo »
page 35: « Toute sa vie durant, Hugo a cherché à capter toutes les nuances de la langue française mais aussi les sources des langues et surtout de son verbe, de son écriture où le « bruit se lie à » la « flamme », et ce en remontant de « sa langue à son âme ». Ce « bruit », cette « flamme » nous mène tout droit sur les routes d’Espagne ou sur les traces des Djinns. »
https://theses.hal.science/tel-00713809/file/2012theseDelvallez_LegendreS.pdf
J’ai rien capté, je dois faire un travail dessus help.
Victor Hugo, l’érudit du peuple.
Nos enfants connaitront-ils cela? Trop beau!
Victor Hugo, le soleil de la langue française.
C’est tros beau mon cher victor