Aux petits incidents il faut s’habituer.
Hier on est venu chez moi pour me tuer.
Mon tort dans ce pays c’est de croire aux asiles.
On ne sait quel ramas de pauvres imbéciles
S’est rué tout à coup la nuit sur ma maison.
Les arbres de la place en eurent le frisson,
Mais pas un habitant ne bougea. L’escalade
Fut longue, ardente, horrible, et Jeanne était malade.
Je conviens que j’avais pour elle un peu d’effroi.
Mes deux petits-enfants, quatre femmes et moi,
C’était la garnison de cette forteresse.
Rien ne vint secourir la maison en détresse.
La police fut sourde ayant affaire ailleurs.
Un dur caillou tranchant effleura Jeanne en pleurs.
Attaque de chauffeurs en pleine Forêt-Noire.
Ils criaient : Une échelle ! une poutre ! victoire !
Fracas où se perdaient nos appels sans écho.
Deux hommes apportaient du quartier Pachéco
Une poutre enlevée à quelque échafaudage.
Le jour naissant gênait la bande. L’abordage
Cessait, puis reprenait. Ils hurlaient haletants.
La poutre par bonheur n’arriva pas à temps.
» Assassin ! – C’était moi. – Nous voulons que tu meures !
Brigand ! Bandit ! » Ceci dura deux bonnes heures.
George avait calmé Jeanne en lui prenant la main.
Noir tumulte. Les voix n’avaient plus rien d’humain ;
Pensif, je rassurais les femmes en prières,
Et ma fenêtre était trouée à coups de pierres.
Il manquait là des cris de vive l’empereur !
La porte résista battue avec fureur.
Cinquante hommes armés montrèrent ce courage.
Et mon nom revenait dans des clameurs de rage :
A la lanterne ! à mort ! qu’il meure ! il nous le faut !
Par moments, méditant quelque nouvel assaut,
Tout ce tas furieux semblait reprendre haleine ;
Court répit ; un silence obscur et plein de haine
Se faisait au milieu de ce sombre viol ;
Et j’entendais au loin chanter un rossignol.
Victor Hugo, L’année terrible
Je trouve les oeuvres de Victor Hugo somptueux mais je n’aime gère autant l’écrivain. Son histoire était certes dur, mais je préfère ses oeuvres. Certaines de ses oeuvres, dans leurs vers se cache de l’admiration, du désespoir, de la haine, de l’amour ou bien autres sentiments profonds. Je trouve que pour les trouver il faut les avoir vécu. Dans cette oeuvre, les vers me parlent. Au fond je me sens bien de savoir qu’il y a autres personnes qui peuvent peut être éprouver de même sentiments.
Enfin de compte, une souffrance peut toujours être partagé. Ne jamais souffrir seul mais a deux, ou plus. Que se soit de la haine du désespoir, vous n’êtes jamais seul.
J’ai découvert ce poème, chanté par La Green Box qui fait si bien chanter ces si belles phrases, qui racontent un événement tout à fait angoissant.
Victor HUGO, député de « la montagne » sous louis Napoléon Bonaparte était détesté de ce dernier qui voyait en lui ce qu’on désignerait aujourd’hui sous le terme de « gauchiste ». Pour fuir le « coup d’Etat » Hugo migra en Belgique mais ce poème indique bien que sa sécurité et celle de sa famille n’étaient pas garanties. Déportés à Guernesey la famille Hugo vécut de terribles épreuves… jusqu’au retour glorieux de la République…
Personnellement je n’aime pas beaucoup tant l’écrivain que ses oeuvres. Mais bon… il lui reste beaucoup d’admirateurs.
On voit son désespoir perdu entre sa famille son coeur et brisé.
Suite aux pressions françaises, le poète fut expulsé de Belgique et s’est retiré à l’île britannique de Jersey, où il a passé son temps en composant les Châtiments, recueil de terribles diatribes en vers contre Napoléon « le petit », et en se livrant à des expériences de spiritisme.
Malheureusement, ces nuits de terreur sont vécues, de part le monde… Elle est si bien décrite par Hugo, qui malgré tout sait prendre la distance, et décrit les faits, la longue nuit, avec une conscience éclairée.
Comment vaincre la terreur inspirée par une haine partisane sinon par la poésie?
Je viens de le découvrir et je l’ai lu 3 fois à voix haute. Qu’il est doux d’avoir des mots aussi beaux sur les lèvres. Je dois me faire violence pour arrêter et vaquer à mes occupations. Je recommande aussi « Aux arbres » du même auteur…
Tellement beau !
Brassens, qui a vécu impasse Florimont avec Jeanne, a mis en musique plusieurs poèmes de Victor Hugo, c est quand même marrant de voir leur prénoms apparaître ici !
Savez-vous quand est sorti cet oeuvre? C’est pour une analogie.
Le contenu du poeme est terrifiant. On y sent la peur que quelque malheur ne nuise aux proches du poete. Ce qui m’a choqué et qui m’a plu le plus, c’est que, dans tout ce tumulte, le poete ait entendu le chant d’un rossignol! J’ai trouvé ce contraste digne d’etre cité.
Wow fantastique!
Hugo a passe une nuit terrible à Bruxelles on voulait le tuer peut-être se mêlait-il à la politique
Quelqu’un sait-il comment se termine cette aventure pour Hugo ?
Magnifique!
Il n’est pas si long
Si il n’y a pas de commentaire c’est parce que personne n’a lu jusqu’au bout ?