Le vase où meurt cette verveine
D’un coup d’éventail fut fêlé ;
Le coup dut l’effleurer à peine :
Aucun bruit ne l’a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D’une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.
Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s’est épuisé ;
Personne encore ne s’en doute ;
N’y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu’on aime,
Effleurant le coeur, le meurtrit ;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n’y touchez pas.
René-François Sully Prudhomme, Stances et poèmes, 1865
J’ai connu le début de ce poème par l’album de Lucky Luke consacré au voyage de Sarah Bernhardt aux USA. Autant dire, dans un tout autre genre littéraire. Mais même dans cette plaisante parodie (au demeurant excellente), la musicalité des vers de Sully Prudhomme était telle que je ne l’ai jamais oubliée. Des décennies plus tard, j’apprends enfin ce poème, et le nombre de récitation ne fait que renforcer les émotions qu’il provoque en moi.
Je viens de le découvrir en lisant À la Recherche du Temps Perdu: Proust en cite le premier vers à la toute fin de Sodome et Gomorrhe.
Plus impressionnant qu’une déclamation par Sarah Bernhardt… Ce poème est vivant…
Je consulte mes anciens livrets scolaires et je tombe sur mon carnet journalier et sur la semaine du 13 au 18 septembre 1976 (j avais 12 ans). Pour le samedi matin, je devais apprendre cette poésie.
Votre site m’a permis de retrouver le texte dont quelques bribes me sont réapparus.
La semaine suivante était : Océano Nox
Découvert via « La place » d’Annie Ernaux. Édition Folio. Page 97.
J ai connu ce poeme grace aux « yeux » de Sully P., écrit si émouvant! Son oeuvre entière est un enchantement. Allez vite boire et vous rassasier à sa source! « Au jour le jour » vous tiendra en haleine et « la memoire » vous entraînera au plus profond de vous meme… pour ne citer que ceux-la…
La ho conosciuto quando avevo, credo, 18 anni è mi è rimasta dentro. Oggi ho voluto ritrovarla. E sono felice di averla reincontrata. Bellissima!
Mon frère vient de décéder, et l’avant dernier jour de son départ, il nous l’a récité par cœur.
Quel merveilleux poème! qu’il m’a permis de découvrir. Merci au poète, et mille mercis à mon grand frère pour cet héritage.
Un poème sublime.
Je ne suis pas ce qu’on appelle un intellectuel, encore moins un adepte de poésie. Mais la lecture de ce poème m’a ému, bouleversé. Des émotions tout en finesse, en dentelle. Du vécu, j’en verse une larme…
Maman me le récitait enfant, quand je l’avais blessée. Je ne pensais pas le vivre avec ma propre fille. Plus de danger à le toucher, il est en miettes.
Pour Georges : pourquoi pas ‘Ne me quitte pas’ de Jacques Brel…
J’ai 81, et la main que j’aime m’a brisé le cœur.
Poème profond, ma Maman, avant son dernier souffle, a murmuré doucement à mon oreille sa dernière volonté ! Jamais je ne peux oublier ce poème. Le vase est brisé. Mes larmes ont coulées, dans le silence, le cœur brisé ! Comme le vase, fin.
Amare ancora, a ottantotto anni, una poesia imparata quando ne avevo diciotto. Ed oggi amarla ancor più d’allora.
Phrase lue hier soir dans la biographie de G. D’Annunzio, par Maurizio Serra, chez Grasset (page 230):
« en 1901, le nom de D’Annunzio n’est pas retenu pour le Prix Nobel de Littérature, les juges de Stockholm couronnent Sully Prudhomme. Il est brisé, n’y touchez pas ».
Ces six mots ont fait remonter bien des souvenirs et avec émotion, j’ai retrouvé ce matin le poème entier . Un pur moment de bonheur.
Je recherchais ce poème pour être sûre de ma mémoire et je suis émerveillée de voir que tant de gens comme moi le trouvent magnifique. J’ai 85 ans et durant ma longue vie, je l’ai murmuré bien souvent le soir avant de m’endormir…
Je l’ai appris à 20 ans et aujourd’hui j’en ai fait la recherche pour signifier une meurtrissure dont mon coeur et mon âme ont souffert à 81 ans!
Conocí esta poesía cuando tenía 14 años, y hoy a los 93 la continúo recitando de memoria. La sé traducida al castellano aunque estudié francés más de cuatro pero no he tenido con quien practicar, salvo cuando estuve en Europa. Gracias por publicarla, es una joyita!
A la façon de Paul VERLAINE… « De la poésie avant toute chose… »
Je viens d’entendre les deux premiers vers cités par une libanaise cultivée au milieu des décombres de Beyrouth. Elle attribuait le poème à Verlaine ou à Rimbaud… Cela m’a donné envie de le retrouver. Il est magnifique, merci madame de me l’avoir fait connaître.
Ce poème est pour moi l’illustration parfaite de la rupture du lien qui unissait le peuple français et de Gaulle en 1968 et qui a trouvé sa conclusion par le départ du Général en avril 1969.
Un beau poème appris au temps du lycée, repris un jour déjà lointain, et encore reste le souvenir « d’un coup d’éventail… » et merci encore parce qu’en lisant un commentaire ut supra j’ai découvert le Sonnet d’Arvers. Bien que le sonnet soit assez loin du Sonnet à Hélène de Ronsard.
L’articulation symétrique et mesurée du temporel, sa maîtrise donne à ce poème une force feutrée d’une finesse et d’une souplesse qui font fondre la dureté d’une réalité qui appréhende tous les vécus tous ages confondus.
J’y toucherai plus… il m’a brisé !
Merci d’avoir mis ce superbe poème en ligne.
J’ai 81 ans, j’ai appris dans ma jeunesse des poèmes, heureuse époque, du XVIe, XVIIe, XVIIIe, XIXe siècle notamment dont « Le Vase Brisé ». J’en ai sélectionné dix que je me récite en boucle, souvent la nuit pour « meubler » mes insomnies, ils me procurent de l’émotion et de surcroît c’est bon pour ma mémoire.
Magnifique poeme que je ferai lire le jour de mes obsèques !
J’ai adopté bébés un garçon et une fille et je n’ai presque plus de contacts avec eux. Je ne suis pas leur mère ont-ils dit ! Je me suis arrêtée de travailler pour les élever tellement ma fille était perturbée (adoptée à 3 mois et demi : des pleurs jours et nuits pendant 4 ans) dur-dur pour moi…
A Georges, d’abord ! Merci de m’avoir fait sourire ! Lisez lui donc « Le lac » de Lamartine. Lisez lui aussi « Le pont Mirabeau » d’Apollinaire et tout ira bien. Un conseil infaillible : soyez sérieux et dites-lui que vous vouliez lui chuchoter quelque chose de grave à l’oreille gauche : « Je t’aime encore, idiote! » et sa colère fondra comme la neige au soleil. A tous les autres : merci d’avoir apprécié avec moi la perfection !
En récitant ce poême à ma femme, elle fut offensée par l’ idée que c’est elle qui m’a fait briser le coeur. Pourriez-vous me conseiller un poème moins offensif et plus romantique? Merci.
Appris quand j’avais 17 ans je me le récite encore à 71 ans durant mes marches quotidiennes tout le mystère de ce premier coup me fascine encore. Et il m’a bien aidé à comprendre la vie. Il est vrai que je lui mettais en face ces mots de Montesquieu : « Rien de pire qu’une vieille affaire rompue qui n’en finit plus de mourir. »
Ce n’est qu’aujourd’hui que je découvre ce merveilleux poème qui pourtant date de très longtemps. J’ai pris du temps pour le comprendre. Mais enfin… c’est juste trop parfait.
Ce poème lu il y a plus de 60 ans et encore complet dans ma mémoire à deux rimes près.
Ce poème je ne le connaissais pas, du moins par cœur. Mon épouse qui est plus littéraire que moi peux le réciter, pas complètement mais presque. Ce qui me fait dire que les temps piersonont bien changés. On apprend plus à déclamer, ni non plus à avoir une bonne diction. Ce qui n’empeche que j’aprecie Cette relecture trop souvent oubliée.
C’est effectivement un poème magnifique, mais le sonnet d’Arvers et tout aussi poignant. C’est l’histoire de l’amour d’un homme pour une femme mais il n’a pu le lui déclarer. Elle ne le saura donc jamais.
J’ai découvert ce poème assez tard, vers 18ans. J’en ai 55 et c’est toujours la même extase. Pureté de la ligne. Justesse des mots. Un erethisme mental pour écorché vif !
Une pure merveille ! J’ai 20 ans dans la tête et le coeur quand je le relis ou me le récite. Il suscite tellement de souvenirs, que de coups d’éventails avons nous reçu au cours de la vie ! Ne nous touchez pas nous sommes brisés
Un poème parfait. J’ai mis du temps à le comprendre, à le sentir pleinement.
Certes la négligence des autres, leur indifférence, leur manque de tact, leur absence d’empathie peut nous peiner et altérer la qualité de nos sentiments, mais il faut savoir pardonner, faire triompher la Concorde, l’harmonie et tous les sentiments nobles. Tout ce qui nous arrive et une épreuve et ce sont nos réactions qui soulignent notre valeur, nos valeurs.
C’est une poème qui chante si bien au plus profond de mon coeur. Je trouve que son écriture est très « moderne » si je puis dire cela. C’est l’homme du XXI° siècle qui aurait pu l’écrire ainsi encore aujourd’hui. Merci pour ce beau partage.
Comme tant je l’ai appris par « coeur » et le coeur y était… mais aujourd’hui, il m’est revenu, très intense… à la pensée des victimes du Bataclan…
Poème qui réveille en chacun de nous une blessure enfouie et à l’abri des regards pour cause de ne pas trouver les mots pour la crier. Sully Prudhomme était un poète enseigné lorsque j’étais adolescente, j’arrive encore aujourd’hui à réciter avec points et virgules comme c’était la règle à cette époque, le magnifique poème intitulé « le cygne ». Le poète meurt mais son œuvre (elle) ne meurt pas.
Quel merveilleux poème pour donner un sens à un trop long silence. Il me revient comme par enchantement 60 ans plus tard
J’ai aujourd’hui 75 ans… Quand j’étais petit ma mère me le recitait… Je n’ai jamais oublié… Une perle.
Ma mère me le récitait petite…..
Ce poème est magnifique, et le poète a su trouver les mots pour résumer le mal qu’une simple phrase, qu’un mot peut faire… j’espère que longtemps encore la poésie existera (je pense ça, je n’ai que 14 ans). Si vous aussi vous le trouvez touchant, réagissez!
C’est un voyage merveilleux là où se dévoilent nos sentiments précieux .
Je connais ce poème depuis mon enfance et aujourd’hui à 85 ans, Je peux le réciter de mémoire, le cœur au bord du cœur et les larmes aux yeux.
C’était le poème préféré d’Henri-Désirée Landru, le Barbe Bleu de la la grande guerre
Je l’ai appris par cœur et c’est le premier poème que je pense lorsque j’en fait profiter mes amis. Pour moi ce poème invite à faire attention de ne pas blesser ceux que l’on aime. Puisqu’un effleurement peut causer bien du mal s’il est répétitif. Ah oui c’est un beau poème. Aussi j’aime à réciter : lorsque l’enfant paraît le cercle de famille applaudit à grands cris etc. Victor Hugo. Je suis de la génération après guerre temps où l’on apprenait encore des poésies par cœur. Merci pour ce temps. Ma mère à 100 ans a déclamé des vers entiers. Elle m’a transmis cela. J’en sais beaucoup moins qu’elle et chaque fois que je récite je pense à elle.
Annie J.
C’est quelle courant littéraire ce poème svp
Un poeme symbolique qui pour moi resume toute une vie (j’ai 85 ans)…
C’est vraiment un coup de foudre!
Mon père vient de me citer ce poème, quel beau moment! Il avait presque les larmes aux yeux. Que vive encore longtemps la poésie!
Cher vieux professeur, comme vous je suis rétif à cette nouvelle technologie ;mais jamais je ne remplacerais le moindre poème appris pour me faciliter la tâche! les souvenirs et les poèmes sont notre véritable éternité! Les octets ne sont que des virgules qui s’effondrent dans le nuage virtuel!!! Un vieux professeur…plus vieux encore!
Souvenir lointain de l’école qui nous apprenait les valeurs et les beaux sentiments.
En effet, ce poème est merveilleux. Ma soeur (maintenant décédée) le déclamait souvent. J’ai 80 ans et il me fait toujours pleurer.
Je me revois tout entier dans ce POEME ! En relisant ce poeme, je revois mon enfance, mon tendre jeune age, mon premier amour, les plus beaux et les meilleurs souvenirs de ma vie…
Qui sait encore que Sully-Prudhomme a obtenu en 1901 le premier prix Nobel de littérature ? Grâce à un album de Lucky Luke on connait encore très vaguement « Le vase brisé » où Sarah Bernhardt ne cesse d’en déclamer le premier vers comme la Castafiore chante L’Air des Bijoux de Faust. Mais je ne sais s’il subsiste beaucoup de gens qui, comme moi, seraient capables de réciter le poème en entier… une connaissance que j’échangerais volontiers contre des notions d’informatique que j’ai du mal à faire entrer dans ma vieille tête.
C’est plus qu’un poème, c’est de l’orfèvrerie alphabétique.
Un des plus beaux et profonds poèmes que j’ai connus dans mon jeune âge