Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
Et c’est l’heure troublée où dansent les Bacchantes
Parmi l’accablement des rythmes alanguis.
Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
Leurs pieds vifs sont légers comme l’aile des vents,
Et la rose des chairs, la souplesse des lignes
Ont peuplé la forêt de sourires mouvants.
La plus jeune a des chants qui rappellent le râle :
Sa gorge d’amoureuse est lourde de sanglots.
Elle n’est point pareille aux autres, – elle est pâle ;
Son front a l’amertume et l’orage des flots.
Le vin où le soleil des vendanges persiste
Ne lui ramène plus le génëreux oubli ;
Elle est ivre à demi, mais son ivresse est triste,
Et les feuillages noirs ceignent son front pâli.
Tout en elle est lassé des fausses allégresses.
Et le pressentiment des froids et durs matins
Vient corrompre la flamme et le miel des caresses.
Elle songe, parmi les roses des festins.
Celle-là se souvient des baisers qu’on oublie…
Elle n’apprendra pas le désir sans douleurs,
Celle qui voit toujours avec mélancolie
Au fond des soirs d’orgie agoniser les fleurs.
Renée Vivien, Etudes et préludes
Beaucoup d’images faisant référence à quantité de thèmes dans ce texte à la forme parfaite dont l’unité descriptive éminemment poétique nous plonge dans une scène intemporelle pourtant intimiste.
Magnifique poème d’une poétesse qu’on gagnerait à mieux connaître…