Vais-je traîner toute ma vie
en moi cette sorte de litanie
qui ne me laisse point de repos
et met ma conscience en morceaux ?
Car voyez-vous, quoi que je fasse,
toujours quelque chose me tracasse
et mes actes les plus louables
au fond de moi me crient : coupable !
Coupable je suis, sachez-le.
Comment, pourquoi importent peu
car mes réponses mille fois reprises
sans fin en moi se contredisent.
Coupable je suis de telle sorte
qu’à y penser toute chose me porte
et mes regrets sempiternels
me sont punition éternelle.
Ainsi donc, n’ayant nulle paix,
de moi-même faisant le portrait,
je rumine l’énumération
de mes actions et inactions…
J’adore me prélasser au lit,
lisant, me cultivant l’esprit.
Mais le remords, comme un démon,
sitôt m’insuffle son poison.
Alors je m’attèle à la tâche
et comme une brute, fais le ménage,
mais en même temps je me répète :
ma fille, tu seras toujours bête !
Je veux, ai-je raison ou tort ?
aussi m’occuper de mon corps
pour être épouse désirable
d’un effet quelque peu durable.
Mais dès qu’à mes soins je m’adonne,
une voix perfide me chantonne :
tu as raison, ne pense qu’à toi,
ils attendront pour le repas !
Alors, retrouvant mes casseroles,
échevelée et l’air d’une folle,
je me redis dans un sermon :
toujours seras-tu une souillon ?
Parfois, avide de détente,
je me complais à ce qui tente,
croyant voler quelques bonnes heures
au temps à consacrer ailleurs.
Mais au lieu de me réjouir,
je ne cherche qu’à troubler ma fête
car de mes cent tâches non faites,
je me punis comme à plaisir !
Ainsi donc, n’ayant nulle paix…
De moi-même faisant le procès…
Esther Granek, Ballades et réflexions à ma façon, 1978
Voila donc la charge mentale illustrée sous un poême. Vérité, triste vérité, de toutes celles conditionnées, éduquées par ceux qui l’ont adoptés. Aux femmes rejetées est cette culpabilité et cette responsabilité en plus de son instinct naturel qui la pousse à toujours rester sur ses gardes, la femme finit toujours par s’occuper de toute son harde.
Bravo. Je crois que c’est le tourment de beaucoup de femmes. Nous voudrons être parfaites en tout et pour tous. N’est-ce pas trop demander? Très joli texte j’aime vraiment.
J’adore ! Je lis et je relis… c’est tellement vrai que ça me donne les larmes aux yeux. Merci.
Très beau poème, en le lisant au fur et à mesure, je sentais que ce poème était écrit pour moi.
C’est par ton rythme femme que tu nourris TOUS les hommes au temps de tes réflexions ! femme inachevée et toujours pensante d’être aimée par le S’AIMER
Excellent poeme j’Adore!
J’ai beaucoup aimé…
Tres beau poème, c’est comme si on l’a écrit pour moi !
Toutes les femmes, même les plus « libérées » se retrouvent dans cette culpabilité venue peut-être du fond des âges
Excellent résumé de l’existence, hélas, de beaucoup de femmes. Même si j’ai décidé de laisser tomber la culpabilité, combien je m’y retrouve!
Ce poème est très parlant, c’est triste mais authentique, beaucoup de femmes doivent s’y reconnaitre