Ouvrez la porte
Aux petiots qui ont bien froid.
Les petiots claquent des dents.
Ohé ! ils vous écoutent!
S’il fait chaud là-dedans,
Bonnes gens,
Il fait froid sur la route.
Ouvrez la porte
Aux petiots qui ont bien faim.
Les petiots claquent des dents.
Ohé ! il faut qu’ils entrent!
Vous mangez là-dedans,
Bonnes gens,
Eux n’ont rien dans le ventre.
Ouvrez la porte
Aux petiots qui ont sommeil.
Les petiots claquent des dents.
Ohé ! leur faut la grange
Vous dormez là-dedans,
Bonnes gens,
Eux, les yeux leur démangent.
Ouvrez la porte
Aux petiots qu’ont un briquet.
Les petiots grincent des dents.
Ohé ! les durs d’oreille !
Nous verrons là-dedans,
Bonnes gens,
Si le feu vous réveille !
Jean Richepin, La chanson des gueux, 1881
Richepain poète du petit peuple avec Gaston Coutet et Jehan Rictus…quand la poésie était un mode d’expression pour tous; quand elle était le porte parole des petits, des pauvres, des gens qui souffrent; quand elle n’appartenait pas à la classe bourgeoise « cultivée » et intellectuelle. Et pourtant, quelle richesse d’images, quelle beauté d’écriture !!!