Oh ! l’amour ! dit-elle, — et sa voix tremblait et son oeil rayon-
nait, — c’est être deux et n’être qu’un. Un homme et une femme
qui se fondent en un ange, c’est le ciel.
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, liv.II,chap.VII.
L’ange aimé qu’ici-bas je révère et je prie
Est une enfant voilée avec ses longs cheveux,
A qui le ciel, pour qu’elle nous sourie,
A donné le regard de la vierge Marie.
Ame que l’azur expatrie
Pour qu’elle recueille nos voeux,
Jeune âme limpide et fleurie
Comme les fleurs de la prairie
Aux calices roses ou bleus!
Comme l’autre Éloa, c’est la soeur des archanges,
Qui pour nous faire vivre aux mystiques amours,
A quitté les blondes phalanges
Et souille ses pieds blancs à parcourir nos fanges.
Aussi nos ferveurs sont étranges:
Ce sont des rêves sans détours,
Ce sont des plaisirs sans mélanges,
Des extases et des échanges
Qui dureront plus que les jours!
C’est un chemin frayé plein d’une douce joie,
Un vase de parfums, une coupe de miel,
Un météore qui flamboie
Comme un beau chérubin dans sa robe de soie.
Il ne craint pas que Dieu le voie:
C’est un amour pur et sans fiel
Où toute notre âme se noie
Et dont l’aile ne se déploie
Que pour s’élancer vers le ciel!
Juin 1842.
Théodore de Banville, Les Cariatides (1843)
Beaucoup de connaissances venant de la litterature antique que Banville utilise dans ce poème sur l’amour. C’est une très grande lettre. De nos jours qui saurait écrire ainsi ? Personne… l’époque trop médiocre n’a plus ses littéraires de l’époque du poète ni ses tournures de vers et leur maitrise… alors j’admire en me remettant dans mes années lycée 1970 ou les amoureux de la litterature et de la philosophie fleurissaient encore un peu… sans hélas entendre parler de Banville ! Honteux… Victor Hugo oui, Verlaine, Rimbaud et autres aussi amis de Banville pourtant. Je me demande pourquoi et comment c’est possible d’ignorer un tel écrivain tout en mettant en avant ses collègues de la même époque. Trahisons de l’histoire littéraire opérées par quels censeurs et dans quel but ? Je veux bien enfin être éclairée sur ce point loin d’être un détail. Merci de me faire comprendre vous qui savez les raisons d’un tel déni. Et Banville hélas n’est pas le seul gomme de tous les poètes ayant vécu sur cette terre…
Magnifique ! Et relire Verlaine aussi.