Ode Sur Un Bruit Qui Courut, En 1656,
Que Cromwell Et Les Anglais Allaient
Faire La Guerre A La France.
Quoi! ce peuple aveugle en son crime,
Qui, prenant son roi pour victime,
Fit du trône un théâtre affreux,
Pense-t-il que le ciel, complice
D’un si funeste sacrifice,
N’a pour lui ni foudres ni feux?
Déjà sa flotte à pleines voiles,
Malgré les vents et les étoiles,
Veut maîtriser tout l’univers,
Et croit que l’Europe étonnée
A son audace forcenée
Va céder l’empire des mers.
Arme-toi, France; prends la foudre.
C’est à toi de réduire en poudre
Ces sanglants ennemis des lois.
Suis la victoire qui t’appelle,
Et va sur ce peuple rebelle
Venger la querelle des rois.
Jadis on vit ces parricides,
Aidés de nos soldats perfides,
Chez nous, au comble de l’orgueil, (1)
Briser tes plus fortes murailles;
Et par le gain de vingt batailles,
Mettre tous tes peuples en deuil.
Mais bientôt le ciel en colère,
Par la main d’une humble bergère, (2)
Renversant tous leurs bataillons,
Borna leurs succès et nos peines:
Et leurs corps pourris, dans nos plaines,
N’ont fait qu’engraisser nos sillons. (3)
(1) Pendant le règne de l’infortuné Charles VI.
(2) Jeanne d’Arc.
(3) Je n’avais que dix-huit ans quand je fit cette ode;
mais je l’ai raccommodée. Boileau.
Nicolas Boileau, Poésies