L’angoisse

Paul Verlaine

Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs
Nourriciers, ni l’écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants.

Je ris de l’Art, je ris de l’Homme aussi, des chants,
Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
Qu’étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même oeil les bons et les méchants.

Je ne crois pas en Dieu, j’abjure et je renie
Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L’Amour, je voudrais bien qu’on ne m’en parlât plus.

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d’affreux naufrages appareille.

Paul Verlaine, Poèmes saturniens

Imprimer ce poème

9 commentaires sur “L’angoisse”

  1. Jules Courgnac

    dit :

    J’adore ce poème… j’en avais les larmes aux yeux quand je l’ai lu pour la première fois. Depuis je l’ai affiché sur le mur de mon salon. Ce poème a été une source d’inspiration tout au long de ma vie et surtout depuis que ma femme m’a quitté.

  2. Hjalmar

    dit :

    Très beau poème montrant l’état de quelqu’un qui est si profondément plongé dans l’angoisse qu’il renié tous ses principes et croyances, quoique temporairement.

    Le dernier vers est très pareil à celui de Baudelaire dans son poème « Le serpent qui danse », où on trouve les mots « …Mon âme rêveuse appareille… »

  3. Rimel Bourkhis

    dit :

    Je suis très touchée par ce poème. Pourquoi ? Parce que souvent je sens la même chose sans pour autant écrire de poème : nombre de fois j’ai senti cette lassitude de toutes les choses de la vie arrivant à ne plus trouver de refuge ni dans la nature ni dans l’humanité et désespérant de tout même de la divinité, mon âme s’apparente merveilleusement bien à l’image de ce brick perdu simple jouet du vent qui l’emporte et des naufrages qui peuvent l’engloutir…

  4. Majovsky

    dit :

    « …pareille
    Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
    Mon âme pour d’affreux naufrages appareille. »

    En lisant cette strophe, mon esprit me dépeint le tableau d’un minuscule brick au milieu d’une immense mer agitée. Le ciel s’assombrit car la nuit tombe, les vagues sont menaçantes et l’orage gronde pour accompagner une pluie battante. Puis, en lisant la deuxième partie, Verlaine me dit que ce ridicule navire qui erre en plein tumulte est en fait mon âme, donc moi, qui suis et serai jouet du destin…

    Métaphore fracassante et implacable, beaucoup d’images et d’émotions en peu de mots, tous les auteurs n’ont pas cette capacité à condenser une émotion négative. C’est un chef d’oeuvre, merci…

  5. Constance

    dit :

    Des applaudissements pour Carla!!

  6. Carla

    dit :

    Poème touchant. Je l’ai utilisé pour un travail à l’école où je devais trouver des poèmes ou autres lyriques, il m’a énormément aidé. Grâce à lui j’ai eu 20/20.

  7. Sarra Pierron

    dit :

    Très beau !

  8. Véronixcky DELAHOUSSE

    dit :

    Trop fort, trop juste, touchant et touché…

  9. Amsatou Aidara

    dit :

    Poéme trés émouvant. On sent vraiment que Verlaine est touché par la décéption.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *