Il est grave : il est maire et père de famille.
Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux
Dans un rêve sans fin flottent insoucieux,
Et le printemps en fleur sur ses pantoufles brille.
Que lui fait l’astre d’or, que lui fait la charmille
Où l’oiseau chante à l’ombre, et que lui font les cieux,
Et les prés verts et les gazons silencieux ?
Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille.
Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu,
Il est juste-milieu, botaniste et pansu.
Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,
Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a
Plus en horreur que son éternel coryza,
Et le printemps en fleur brille sur ses pantoufles.
Paul Verlaine, Poèmes saturniens
« Ces fainéants barbus, mal peignés… »
Ce sont les artistes, les gauchistes, les soixante huitards, tous ceux qui refusent le confort petit-bourgeois, le monde n’a pas changé depuis Verlaine. L’anti-conformisme reste louche.
J’ai eu, dans les années ’70, au cours de mes brèves études,le privilège d’avoir un couple de comédiens de théâtre comme professeurs de diction (Mr et Mme Charles Martigues) qui nous avaient enseigné cette poésie. La seule phrase que j’en avais retenue: « il est juste milieu botaniste et pansu ». Je re-découvre ce jour son contexte.
Très joli ! Ma fille en 3ème a adoré ! Merci Verlaine pour ce chef d’oeuvre !
Ce poème est très drôle, et très fin en décrivant un personnage aussi grossier.