Contente-toi d’un point :
Tu es, je n’en mens point,
Trop chaude à la curée ;
Un coup suffit, la nuit,
L’ordinaire qui suit
Est toujours de durée.
De reins faibles je suis,
Relever je ne puis :
Un cheval de bon être,
Qui au montoir se plaît,
Sans un nouveau surcroît
Porte toujours son maître.
Le nombre plus parfait
Du premier un se fait,
Qui par soi se compose ;
La très simple unité,
Loin de la pluralité
Conserve toute chose.
Le Monde sans pareil
Ne porte qu’un Soleil,
Qu’une Mer, qu’une Terre,
Qu’une eau, qu’un Ciel ardent :
Le nombre discordant
Est cause de la guerre.
Ma mignonne, crois-moi :
Mon cas n’est pas mon doigt,
Quand je puis il me dresse ;
Tant de fois pigeonner,
Enconner, renconner,
Ce sont tours de jeunesse.
Mon cheveu blanchissant
De mon coeur va chassant
La force et le courage ;
L’Hiver n’est pas l’Eté :
J’ai autrefois été,
Tu seras de mon âge.
Hier, tu me bravas,
Couchée entre mes bras :
Je le confesse, Bure,
J’eusse été bien marri,
Au règne de Henri,
D’endurer telle injure.
Lors qu’un printemps de sang
M’échauffait tout le flanc
A gagner la victoire,
Bien dispos, je rompais
Huit ou neuf fois mon bois…
Maintenant, il faut boire !
Ne ressemble au goulu,
Qui son bien dissolu
Tout à la fois consomme :
Cil qui prend peu à peu
L’argent qui lui est dû,
Ne perd toute la somme.
Sois donc soûle de peu ;
De peu l’Homme est repu :
Celui qui, sans mesure,
Le fait et le refait,
Ménager il ne sait
Le meilleur de Nature.
Au lieu que l’inconstant
Jouvenceau le fait tant,
Trop chaud à la bataille ;
Demeurons plus longtemps,
Qu’un de nos passetemps
Quatre d’un autre en vaille.
Il faut se reposer,
Se tâter, se baiser,
D’un accord pitoyable
Faire trêve et paix :
Souvent, les petits mets
Font durer une Table.
Ne fronce le sourcil :
Si tu le veux ainsi,
Bure, tu es servie ;
Je veux, sans m’abuser,
En me jouant, user
Et non perdre la vie.
Pierre de Ronsard, Pièces attribuées