J’ay l’esprit tout ennuyé
D’avoir trop estudié
Les Phenomenes d’Arate :
II est temps que je m’esbate
Et que j’aille aux champs jouer.
Bon dieux ! qui voudroit louer
Ceux qui, collez sur un livre,
N’ont jamais soucy de vivre ?
Que nous sert I’estudier,
Sinon de nous ennuyer
Et soing dessus soing accrestre,
À qui nous serons peut-estre,
Ou ce matin, ou ce soir,
Victime de l’Orque noir,
De l’Orque qui ne pardonne,
Tant il est fier, à personne ?
Corydon, marche devant ;
Sçache où le bon vin se vend.
Fais après à ma bouteille,
Des feuilles de quelque treille,
Un tapon pour la boucher.
Ne m’achete point de chair,
Car, tant soit-elle friande,
L’esté je hay la viande.
Achete des abricos,
Des pompons, des artichôs,
Des fraises et de la crême :
C’est en esté ce que j’aime,
Quand, sur le bord d’un ruisseau,
Je les mange au bord de I’eau,
Estendu sur le rivage
Ou dans un antre sauvage.
Ores que je suis dispos,
Je veux rire sans repos,
De peur que la maladie
Un de ces jours ne me die,
Me happant à l’impourveu :
« Meurs, gallant : c’est assez beu. »
Pierre de Ronsard, Les Odes (1550-1552)
Cette version du texte : Heath, 1916
C’est très beau. C’est historique pour moi. Mon défunt frère l’a aimé et me l’a fait aimer depuis l’enfance.
Quelle gaité ! Quelle légèreté ! Ronsard aime passionnément la vie et nous la fait aimer.