Dans Arle, où sont les Aliscams,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton coeur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
Paul-Jean Toulet, Romances sans musique, 1915
Vous pouvez écouter une version musicale de Daniel Auteuil parmi d autres jolis titres de l’acteur…
Merveille de rythme et d’harmonie
Toutes ces pinailleries sont débiles. Ce poème est magnifique avec ou sans « s » à Arles.
Je trouve que ce poème est l’un de plus beau du début du XXème siècle. Ecrit au début de la guerre, il me semble très visionnaire.
Donnez-moi vos ressentis sur ce poème.
Ce débat au sujet du S à Arles est stérile car il y a une virgule après Arles, donc la question de la liaison ne se pose pas.
C’est d’ailleurs un poème qu’il faut lire et dire très lentement en respectant bien la ponctuation. Je l’aime beaucoup et le connais par coeur depuis 60 ans :))
Je suis surpris par le propos de Michel B., suivant lequel P.-J. Toulet aurait gagné à remplacer :
« En Arle, où sont les Aliscams,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses… »,
par :
« En Arle, où sont les Aliscams
Si l’ombre est rouge, sous les roses… ».
Ah non alors ! D’abord l’allitération est très réussie : elle donne une impression de boitement qui concourt à l’instabilité voulue du poème (cf. la succession irrégulière des rimes, le nombre de pieds variable : 8-8-4, la place changeante de la césure…).
Ensuite le poème est un poème du temps qui s’écoule et de la fragilité des choses. Ce serait me semble-t-il trahir son essence que de remplacer une subordonnée temporelle par une subordonnée conditionnelle.
Bref : il vaut sans doute mieux ne pas trop prétendre « améliorer » l’œuvre d’un grand poète !
Si vous allez aux Alyscams, dans le sud de la ville d’Arles, reste d’une immense nécropole romaine et en effet « Champs Elysées » du sud de l’Europe où les morts illustrés étaient célébrés, devenus une promenade inspirant les amoureux et les peintres tels Gauguin et van Gogh, et bien sûr les poètes tels que Toulet, vous comprendrez qu’il n’a fait que d’écrire ce qu’il y voyait à l’époque et ce que vous ressentirez sur place, tout simplement et génialement
Quelques-uns ici voudraient transformer la métrique, ou remplacer un mot par un autre, pour rendre le poème « plus agréable à l’oreille » ou pour le rendre « plus compréhensible »…
Non mais on rêve !
Je lis ici, que le « s » de « Arles » modifierait la métrique : à quoi sert la virgule juste après Arles, alors ? En aucun cas il ne faut faire une liaison si Arles est suivi d’une virgule, qui marque volontairement une pause.
Et de toute façon, même sans cette virgule, en aucun cas il n’y aurait de liaison à faire :
tu es-z-à arles-z-et-moi je suis-z-ici > non.
En revanche, si l’auteur a écrit « Arle », pourquoi le modifier en « Arles » ? Si c’est un nom provençal, alors surtout, laissons-le écrit en provençal, car c’est ainsi que l’auteur l’a voulu, non sans raison :
L’auteur insiste pour situer son poème en Provence, « où sont les Aliscans » : se renseigner sur ces fameux Aliscans (voir wiki).
Référence provençale, référence historique (batailles du XIIe s., défaite désastreuse suivie d’une victoire difficile, les Aliscans = Champs Elysées provençaux, les champs Elysées étant le lieu dans la mythologie grecque, du repos éternel des héros décédés), références sacrées, religieuses (les Chrétiens opposés aux Sarrasins), référence poétique (chanson de geste)…
Le poème se termine par le mot « tombes », qui rime avec « colombes » (référence biblique, symbole de paix).
Bref pour moi, le poème qui nous occupe fait écho à cette chanson de geste. Alors surtout, ne remplaçons pas cet écho, au début du poème « où sont les Aliscans, Quand … » (temporalité) par « où sont les Aliscans, Si… » (conditionnel), comme le voudrait quelqu’un dans un commentaire ici, pour « faire plus élégant à son oreille ».
Car toute la référence et peut-être le sens que l’auteur a voulu donner à son poème, sont détruits.
Je n’ai lu aucun commentaire attentif à la ponctuation. Pourtant, à mes yeux comme à mes oreilles, tout est là. Ce rythme fait précisément le poème. Le rythme marqué d’abord par la ponctuation, très précise, très marquée, et les allitérations évidentes. Les voyelles interminables, « a-è » notamment, ouvertes, mais aussi fermées, tristes, « ou-o-i-é » prolongées par les semi-consonnes liquides « l-r » et d’autres consonnes qui ne s’arrêtent jamais, potentiellement. (n-m)..
Tout ce temps qui s’étiiiiire (éternité) par les allitérations fluides, et pourtant ces virgules partout, et ce point virgule curieux, au milieu d’une phrase, qui nous obligent à marquer des TEMPS, et ces allitérations en « k-t » inKiéTanTes, qui viennent troubler l’apparente éternité…
Pourquoi quelqu’un ici, veut-il remplacer le mot « colombes » (oiseau, symbolique : paix, biblique : sacré, signe d’espoir, indicateur de vie retrouvée) + rime avec « tombes », par le mot « pétales » ? En prétendant que tel quel, le poème n’est pas compréhensible ?
Heureusement que la poésie n’est pas « compréhensible » immédiatement ! Heureusement qu’elle nous parle en profondeur en s’adressant à notre subconscient ! Un poème n’est pas un exercice de calcul de CP ! Et rien n’interdit de se donner la « peine » d’essayer de comprendre de quoi il est fait, plutôt que de vouloir tout changer !
Que ceux qui veulent à tout prix réécrire ce poème pour le rendre « plus agréable » ou « plus compréhensible » écrivent leurs propres poèmes, et tentent peut-être aussi, s’ils en ont la curiosité, de percer les 1001 mystères des plus petits, mais plus merveilleux poèmes de notre fabuleuse langue, faite de mots qui nous font voyager dans notre passé… Des mots persans, des mots germains, des mots latins, des mots grecs, des mots arabes,… des mots provençaux.
Aliscams, (une référence provençale peut-être ?) que d’autres écrivent Alyscamps…
si vous consultez « Tresor dóu Felibrige », de Mistral, vous verrez que Arle s’écrit sans « S » en provençal.
Delicieusement abracadabrantesque. Pour mon seul usage, je récite :
« … et quand se taisent les cigales,
Parle tout bas, si c’est d’amour ,
Sous les pétales. »
La poesie n’a pas à perdre en étant comprehensible, trouve-je…
Il existe un tapuscrit corrigé par Toulet. voir Poètes d’aujourd’hui, Seghers, il y a une photo. Dans Arle où sont… sans s à Arles, pour respecter la métrique. La première édition était correcte, certains éditeurs, ensuite, ont ajouté ce s superflu. Cordialement, Paul
Addendum
Cf. le vers de Racine: Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée, on prononce mou- ru- te- zo- bor…
Comment Nathanaël, F Spo peuvent-ils considérer « qu’avec un ‘s’, la métrique ne serait pas changée. » ? Tous les poètes français de Ronsard à Toulet, en passant par Racine, La Fontaine, Hugo, Vigny, Lamartine, Baudelaire… et tant d’autres seraient surpris de lire une telle ânerie…
De bons manuels existent sur le vers classique !
Toulet, qui connaissait la métrique, écrivait dans son premier vers « Arle ». Les mauvaises éditions, nombreuses, écrivent « Arles », ce qui fait un vers faux… Les brillants commentateurs semblent ignorer ce point…
En Arles, où sont les Alyscamps, pour écrire au goût du jour, se trouve aussi, mais bien cachée, une librairie entièrement dédiée à la Poésie, peut-être la plus importante de l’Hexagone voire d’Europe par son fonds. L’Archa des Carmes, sise au 23 rue des Carmes, a pour voisin le restaurant étoilé de Jean-Luc Rabanel, ce qui la rend plus facile à trouver…
G. ROSSINI
Si on pense que Toulet est un « grand » poète, la seule question qui vaille c’est pourquoi il a utilisé cette répétition?
J’adore, à en pleurer !
Puis-je suggérer que « en Arles où sont les Aliscams, Quand »(cancan) eût été plus heureux avec « si »
En Arles où sont les Aliscams
Si l’ombre est rouge…
Pardon aux mânes du grand Toulet, mais peut-être m’eût-il écouté?
Merveilleux poème. Je le lis et le relis sans m’en lasser.
« @ petrogalli : Arle (qui n’appartient qu’au provencal) ou Arles (en français ) : la métrique est inchangée ».
Oui, bien sûr, en un poésie comme en prose, jamais on ne prononcerait « Arles-z-où sont », pas plus que le « loup’et l’agneau » (le louper l’agneau ? le loup Pélagneau ?). En bon français, toutes les finales n’entraînent pas la liaison.
A Dena
le poème se lit, depuis 1921, dans « Les Contrerimes », p. 85, encore rééditées aujourd’hui, mais difficiles à trouver en temps de confinement. Tout le recueil est exquis…
Pour ajouter à la réponse sur Arle/s : le « s » fausserait l’octosyllabe, imposant une liaison « mal’t’à propos ». Il figure dans l’exergue sous le titre de « Romances sans musique » qui vaut pour « En Arles » et » le temps d’Adonis », que voici :
https://www.poetica.fr/poeme-6468/paul-jean-toulet-le-temps-adonis/
La syntaxe de celui-ci est pour le moins plus sophistiquée.
À vous de jouer !
Merci, j’ai eu 20/20 grâce à cette poésie.
@ petrogalli : Arle (qui n’appartient qu’au provencal) ou Arles (en français ) : la métrique est inchangée. Pourquoi cette polémique pédante à propos d’un si joli poème ?
Merveilleux PAUL JEAN
Il existe un tapuscrit corrigé par Toulet. voir Poètes d’aujourd’hui, Seghers, il y a une photo. Sans Arle où sont… sans s à Arles, pour respecter la métrique. La première édition était correcte ,certains éditeurs, ensuite, ont ajouté ce s superflu. Cordialement, Paul
Bonjour, pourrais-je savoir le titre du recueil, l’édition et la date de publication, S’il vous plait, merci de votre compréhension.