Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;
Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
Combien de soupirs je rendis !
De quelle cruauté vous fûtes !
Et quel profond dédain vous eûtes
Pour les vœux que je vous offris !
En vain je priai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis.
Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes,
Et je ne sais comment vous pûtes
De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah! fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,
Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m’assassinassiez !
Alphonse Allais (1854-1905)
J’ai bien ri !
@camille palud
On trouve dans Phèdre de Racine les vers suivants :
« Fallait-il que je vous visse,
Que vous me désespérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse
À vous chérir et vous aimer,
Pour que vous me haïssiez ! »
☺️
Impossible d’établir la véracité de cette assertion; je la crois donc fausse. S’agit-il d’autre chose ? Quelqu’un a-t-il uen idée ?
Camille Palud dit :
9 janvier 2020 à 1:47
Si certains sont intéressés, les 5 derniers vers proviennent du roman Les liaisons dangereuses, lorsque Mme de Tourvel reçoit la lettre de rupture de Valmont
Commentaire de Matrimonio: « nous pûtes? « Hum…
On dirait que certains aiment beaucoup conjuguer le verbe pouvoir à l’imparfait du subjonctif de la seconde personne du pluriel. Cela les fait fantasmer. La misère est humaine.
Prenez les 4 premiers vers, collez-les aux 5 derniers et enchaînez l’ensemble à haute et intelligible voix. Si vous faîtes ça chaque matin, avant ou après la brosse à dents (mais pas pendant, ça met du dentifrice partout), vous gagnerez en diction et en confiance en vous. Votre hiérarchie s’en apercevra et vous aurez, peut-être, une modeste augmentation de salaire. Comme aurait dit Alphonse, Allais mène à tout à condition d’en sortir…
Au delà de la forme admirable. Aucun amoureux ne peux rester insensible au fond de ce magnifique poème
Une magnifique lettre en réponse à une signification de rupture.
C’est LE modèle du poème potache : ça se moque du romantisme, de l’amour versifié, de la pédanterie, des amoureux transis, du conformisme esthétique. C’est le chef-d’oeuvre d’Alphonse Allais, qui n’en fit jamais de meilleur, hélas !
Imparfait du subjonctif,
D’une époque au passé simple.
Langue à apprendre nous eûtes,
Tant bien que mal nous pûtes.
Complainte amoureuse est la meilleure poésie.
Je ne pense pas qu’à travers ce poème mon cher Alphonse souhaitait vraiment s’exprimer ainsi. J’ai déjà pris le thé plusieurs fois avec lui et son point de vue était totalement différent, autour de ce café il exprimait le fait de vouloir revenir en 1500 afin de pouvoir allègrement savourer son café après un travail long et fastidieux effectué par autrui. Ne cherche pas le responsable de ce commentaire mon cher Alphonse toute façon ce n’est pas moi.
C’est vraiment de l’imparfait du subjonctif, Je suis allé trop vite ! Désolé
Moi je pense que c’est du passé simple, qu’en pensez-vous ?
FATI Gérard dit :
5 novembre 2016 à 15:23
Ah! l’imparfait du subjonctif!..
On se demande vraiment pourquoi on appelle «imparfait» un temps aussi parfait…
Peu s’en fallut que ne pleurassent
Les soudards et les écoliers
Enfants voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers…
C’est d’un vulgaire tout de même… n’est-il pas?
Quelle chance nous avons d’avoir eu des génies poétes comme Alphonse ALLAIS, Charles BAUDELAIRE, Paul VERLAINE, Arthur RIMBAUD, Paul ELUARD (Liberté), LAMARTINE (Le Lac), etc…
Quel bonheur de lire et relire, et relire encore ces chefs-d’oeuvre d’éloquence verbale!
Si certains sont intéressés, les 5 derniers vers proviennent du roman Les liaisons dangereuses, lorsque Mme de Tourvel reçoit la lettre de rupture de Valmont 🙂
J’aime bien
Beauté de la désespérance espérée !
Tout simplement j’adore ! Les poètes d’avant étaient plus perspicaces !
De quel recueil publié par Alphonse Allais provient-il?
Ce texte n’est pas seulement un parfait exemple d’utilisation correcte de la grammaire française mais aussi un bon exercice de diction. Répétez plusieurs fois les quatre derniers vers pour vous en assurer…
Ah! l’imparfait du subjonctif!..
On se demande vraiment pourquoi on appelle «imparfait» un temps aussi parfait…
Peu s’en fallut que ne pleurassent
Les soudards et les écoliers
Enfants voici des bœufs qui passent
Cachez vos rouges tabliers…
Il va de soi qu’on admirera davantage la correction irréprochable de la grammaire que la sincérité des sentiments.
Stoll Nadine, les personnes qui vous ont écouté pendant le mariage ont bien dû rire. Dans ce poème Alphonse se moque de l’homme amoureux, qui, s’est pris un râteau.
Excellent! Je cherchais un texte pour en faire lecture lors d’un mariage ce samedi 12 avril ……J’ai trouvé!….
entre 1854 et 1905 enfin je crois
en quelle année a t-il été fait ?