Clair de lune

Victor Hugo

La lune était sereine et jouait sur les flots. —
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d’un flot d’argent brode les noirs îlots.

De ses doigts en vibrant s’échappe la guitare.
Elle écoute… Un bruit sourd frappe les sourds échos.
Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos,
Battant l’archipel grec de sa rame tartare ?

Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,
Et coupent l’eau, qui roule en perles sur leur aile ?
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d’un voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?

Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? —
Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
Du lourd vaisseau, rampant sur l’onde avec des rames.

Ce sont des sacs pesants, d’où partent des sanglots.
On verrait, en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine… —
La lune était sereine et jouait sur les flots.

2 septembre 1828

Victor Hugo, Les Orientales, 1829

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18 commentaires sur “Clair de lune”

  1. Jacqueline Dana Mounier

    dit :

    La musique de V Hugo qui s’empare de vous et ne vous lâche jamais.

  2. Domh

    dit :

    Ce ne sont pas des prisonniers qui tentent de s’échapper.. Victor Hugo évoque ici le kidnapping des femmes grecques réduites en esclavage par l’empire ottoman pour remplir leurs Sérails…

  3. Gilbert

    dit :

    Se sont des prisonniers qui pensant retrouver la liberté se fracassent sur la grève. Les goeliers leurs donnaient des cordes de draps trop courts. L’évasion ratée, le sus dit maton venait récupérer les frusques du malheureux.

  4. Aalbe17

    dit :

    Je l’ai récité avec mon binome en CM2. J’avais 11 ans, quelle beau souvenir. Maintenant j’ai 20 ans. La belle époque.

  5. Shinshin_Daflelou

    dit :

    Mon cerveau en sueur

  6. La jardinière du dimanche

    dit :

    Tu n’es pas le seul DOF 🙂

  7. Dof

    dit :

    Je ne comprends rien du tout

  8. Martinez

    dit :

    Avec ce joli poème, en 1973, j’ai obtenu le prix d’excellence à un concours de diction française organisé par notre collège. J’avais 12 ans… joli souvenir.

  9. Geneviève

    dit :

    Merci à Espin d’avoir su si magnifiquement évoqué le poème de Victor Hugo, et moi aussi j’ai eu des frissons au cinquième quatrain.

  10. Pacômuniste

    dit :

    Trop bien 😀 !

  11. Raphaël JAMARD

    dit :

    Trop bien !

  12. LE BULOT

    dit :

    Joli poème. je vais m’en servir pour un devoir de français.

  13. Nicolas de bourgoing

    dit :

    Sacrilège ! De ses DOIGTS VIBRANTS s’échappe la guitare ! C’est une diérèse en hypallage  ! Arrg !

  14. Miwa

    dit :

    Il dort. Quoique le sort fut pour lui bien étrange.
    Il vivait. Il mourut quand il n’eut plus son ange.
    La chose simplement d’elle même arriva,
    comme la nuit se fait lorsquele jour s’en va.

    Victor Hugo, les Miserables.

  15. Tharkûn

    dit :

    Honnêtement, j’ai rigolé en lisant ce poème.

  16. Rima

    dit :

    Espin quel homage au poete… superbe

  17. Espin

    dit :

    Comment taire…
    Hugo est un poète, un orfèvre précis,
    un conteur enflammé, un faiseur de récit.
    J’entends les sons que font les acteurs de la scène
    et me laisse emporter par ce tableau marin,
    pour m’horrifier enfin, lors du dernier quatrain,
    d’une réalité que je devine obscène.
    Il y a des inconnus qu’on abîme dans l’abysse.
    Des victimes d’un crime dont la mer est complice.
    Sont-ce des favorites qui ont fini par lasser ?
    Des fruits non désirés, des amants sacrifiés ?
    La sultane le sait; faut-il l’interroger
    et risquer le courroux d’un sultan insulté ?
    La sagesse d’Hugo met fin à mes propos
    en faisant jouer la lune, peinarde sur ces flots.

  18. kaoutar sadak

    dit :

    C’est tres joli.

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