À Maurice Vaucaire.
Qu’elles sont cruelles et lentes, les heures !
Et qu’il est lourd — l’ennui de la mort !
Les heures silencieuses et froides, qui tombent dans l’Éternité, comme des gouttes de pluie dans la mer.
Donne-moi la main, ô ma sœur, et viens sous la Lune calmante, parler de ceux que nous avons laissés seuls quand nous sommes descendues dans la tombe.
— Un sommeil très lourd m’engourdit, et je fais un rêve qui durera toujours ; — rendors-toi, ma sœur, — nos aimés nous ont oubliées,
— J’ai mis mon cœur dans son cœur et je suis sienne à travers la Mort.
— Ces murs sont hauts, et la terre des vivants est loin ; — rendors toi, ma sœur.
— J’ai senti des diamants humides tomber sur ma bouche desséchée, — c’est mon ami qui pleurait.
— Rendors-toi, pauvre sœur ; — c’est la pluie qui violait ton cercueil.
— Ô Souvent j’entends des sanglots lointains ; — c’est mon aimé qui gémit, hanté par nos chers souvenirs.
— Non, c’est le hibou qui jette un cri dans la nuit profonde ; — profonde comme nos tombeaux, et comme l’oubli de ceux qui nous avaient aimées ; — rendors-toi, ma sœur.
2 décembre 1882
Marie Krysinska, Rythmes pittoresques, 1890
J’aime beaucoup les poèmes tristes, j’aime penser la mort et j’aime vivre dans la crainte de son créateur.