Comment veux-tu que je commence cette histoire, ô grand chevalier avec ton épée si lourde ? Si lourde qu’elle ne me trancherait que la moitié de mon corps déjà pourri par l’insouciance qui me ronge nuit et jour.
C’est de ce rêve que je veux te parler. Celui que je n’aurais jamais, et pourtant il est là, gravé rudement dans mon antre et il est encore plus lourd que ton épée. D’une lourdeur agréable pourtant, qui se balance de ci, de la et qui me chuchote sensiblement, tout bas… que je suis tout ce qu’elle aurait pu désirer. Ce rêve est sans doute une femme me dis-je, connue autrefois et qui me disait qu’un beau jour nous serons les rois du paradis que l’on aura créé. Nous étions tous deux, assis dans l’herbe fraîche, entrelacs enlacés, regardant ton épée sortir de son fourreau. Elle tranchait le paysage, le déchirant, par un vent pur d’été.
Mais comment saurais-je réellement si c’est ce rêve même que j’ai rêvé ? Comme tant d’autres, il n’est que poussière dans le royaume de mon inconscient, blessé par ta lourde épée, ô grand chevalier. Sa lame froide, aussi froide que la mort avait maintenant souillé mon désir de rêves et de songes plus que jamais. Mais ce doux sommeil qui lui aussi devient lourd, entrainant et voluptueux, me guide vers un lieu loin d’ici où nulle lame n’existerait, point d’épées, ni de chevaliers.
Vlad Negrescu