matando muerte en vida la has trocado
(tuant la mort en vie tu l’as changée)
Jean de la Croix
mon père qui es aux cieux
que ta volonté soit faite
que se lève le soleil à travers la brume, qu’il joue entre les trembles,
éclate en langues de feux
et nous émerveillant de lui, nous oublierons
les soupirs de nos malades, et leur angoisse,
sentant venir leur mort
mon père qui es aux cieux
j’ai déchiffré ton nom sur la pierre des temples
entrevu ton visage à travers les lianes
contemplé ton éternité sur les jungles, les creux de nos vallons, les courbes de nos rivières
laissé le dormeur du Val
veiller
que ta volonté soit faite
que meurent les prisonniers comme des chiens, tremblent de froid les désespérés
oublient les enfants de sourire
mon père qui es aux cieux
je te rends grâces
par les bonheurs que j’eus en grand nombre,
les sourires de mes amis figés en leur jeunesse
les caresses données et reçues, les abandons, les plénitudes de mes nuits
les plénitudes de mes jours
par les nuits sans amour, les rues sans joie, les attentes sans espoir
mon père qui es aux cieux, que me revienne
la paix du cœur aux matins de neige
quand les sommets les plus hauts étaient à portée de gant
quand nous cassions la glace des torrents pour boire
quand nous baignions nos pieds sous les crêtes de monts perdus
quand les vautours nous disaient les chemins du Sud
que les vivants chantent ta gloire :
les entendant, mes morts sauront :
se taire
mon père qui es aux cieux
des enfants meurent sur les routes
que ta volonté soit faite
Villebramar, décembre 1994 (repris en décembre 2014)
Poèmes inédits
Très beau poème !