L’Automne

François Fabié

A toute autre saison je préfère l’automne ;
Et je préfère aux chants des arbres pleins de nids
La lamentation confuse et monotone
Que rend la harpe d’or des grands chênes jaunis.

Je préfère aux gazons semés de pâquerettes
Où la source égrenait son collier d’argent vif,
La clairière déserte où, tristes et discrètes,
Les feuilles mortes font leur bruit doux et plaintif.

Plus de moissons aux champs, ni de foin aux vallées ;
Mais le seigle futur rit sur les bruns sillons,
Et le saule penchant ses branches désolées
Sert de perchoir nocturne aux frileux oisillons.

Et, depuis le ruisseau que recouvrent les aulnes
Jusqu’aux sommets où, seuls, les ajoncs ont des fleurs,
Les feuillages divers qui s’étagent par zones
Doublent le chant des bruits de l’hymne des couleurs.

Et les pommiers sont beaux, courbés sous leurs fruits roses,
Et beaux les ceps sanglants marbrés de raisins noirs ;
Mais plus beaux s’écroulant sous leurs langues décloses,
Les châtaigniers vêtus de la pourpre des soirs.

Ici c’est un grand feu de fougère flétrie
D’où monte dans le ciel la fumée aux flots bleus,
Et, comme elle, la vague et lente rêverie
Du pâtre regardant l’horizon nébuleux.

Plus loin un laboureur, sur la lande muette,
S’appuie à la charrue, et le soleil couchant
Détache sur fond d’or la fière silhouette
Du bouvier et des boeufs arrêtés en plein champ.

L’on se croirait devant un vitrail grandiose
Où quelque artiste ancien, saintement inspiré,
Aurait représenté dans une apothéose
Le serf et l’attelage et l’araire sacré…

François Fabié, Le Clocher, 1887

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6 commentaires sur “L’Automne”

  1. Tinouche

    dit :

    La poésie élève l’âme et nous fait vibrer, ce serait intéressant de faire connaître à nos jeunes petits enfants ce délicieux poète qui, je l’avoue m enchante encore à 85 ans. La vieillesse nous rends sensible et il est bon de se nourrir de ces beaux vers qu’on aurait aimé écrire.

  2. Caecilia

    dit :

    Superbe poème qui nous ramène à l’essentiel… Apprendre à regarder à ressentir la vie autour de nous et puis partager ses sentiments avec des mots simples mais plein de vérité et de tendresse

  3. Cantaloube

    dit :

    Superbe poésie que je viens de découvrir, moi l’Aveyronnais de 76 ans ! Je pensais pourtant bien connaître François Fabié et sa chatte aux yeux d’or dans son moulin de Roupeyrac.

  4. Peregrino Leston

    dit :

    Je me souviens encore de ce poeme que j’avais appris à l’ecole primaire. J’aimais la facon dont il parlait de l’automne moi qui preferais l’ete et les vacances.

  5. Simone THOMAS Simone

    dit :

    Dommage que François Fabié ne soit pas plus connu ! Et pourtant, j’avais, tout enfant, retenu cette phrase « à toute autre saison je préfère l’automne » ! pensant qu’elle était d’un écrivain célèbre !

  6. eliette jaffray

    dit :

    L’automne c’est celà, mais c’est tellement beau aussi, avec ses lumières qui se reflètent dans les arbres et dans l’eau, les moineaux qui gazouillent. Très beau poeme ! Plein de vie et d’espoir.

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