Berceuse

Charles Cros

Au comte de Trévelec.

Endormons-nous, petit chat noir.
Voici que j’ai mis l’éteignoir
Sur la chandelle.
Tu vas penser à des oiseaux
Sous bois, à de félins museaux…
Moi rêver d’Elle.

Nous n’avons pas pris de café,
Et, dans notre lit bien chauffé
(Qui veille pleure.)
Nous dormirons, pattes dans bras.
Pendant que tu ronronneras,
J’oublierai l’heure.

Sous tes yeux fins, appesantis,
Reluiront les oaristys
De la gouttière.
Comme chaque nuit, je croirai
La voir, qui froide a déchiré
Ma vie entière.

Et ton cauchemar sur les toits
Te dira l’horreur d’être trois
Dans une idylle.
Je subirai les yeux railleurs
De son faux cousin, et ses pleurs
De crocodile.

Si tu t’éveilles en sursaut
Griffé, mordu, tombant du haut
Du toit, moi-même
Je mourrai sous le coup félon
D’une épée au bout du bras long
Du fat qu’elle aime.

Puis, hors du lit, au matin gris,
Nous chercherons, toi, des souris
Moi, des liquides
Qui nous fassent oublier tout,
Car, au fond, l’homme et le matou
Sont bien stupides.

Charles Cros, Le Coffret de santal

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2 commentaires sur “Berceuse”

  1. Lilidu92

    dit :

    Il n’y a pas de date Brigitte !!!!

  2. Birgitte Henriksen

    dit :

    J’aime cette poésie, c’est magnifique !

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