Beauté cruelle

Emile Nelligan

Certe, il ne faut avoir qu’un amour en ce monde,
Un amour, rien qu’un seul, tout fantasque soit-il ;
Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil,
Voilà qu’il m’est à l’âme une entaille profonde.

Elle est hautaine et belle, et moi timide et laid :
Je ne puis l’approcher qu’en des vapeurs de rêve.
Malheureux ! Plus je vais, et plus elle s’élève
Et dédaigne mon cœur pour un œil qui lui plaît.

Voyez comme, pourtant, notre sort est étrange !
Si nous eussions tous deux fait de figure échange,
Comme elle m’eût aimé d’un amour sans pareil !

Et je l’eusse suivie, en vrai fou de Tolède,
Aux pays de la brume, aux landes du soleil,
Si le Ciel m’eût fait beau, et qu’il l’eût faite laide !

Emile Nelligan, Amours d’élite

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4 commentaires sur “Beauté cruelle”

  1. David

    dit :

    Rappelle Baudelaire : « à une passante »…

  2. abraham

    dit :

    Magnifique

  3. denis segala

    dit :

    Superbe

  4. Èva Fontaine

    dit :

    Ce poème est très inspirant et chaleureux à la fois. Le sentiment de la solitude y est présent et on y ressent une grande source d’énergie du coeur et l’effort mis dans ce poème par son compositeur.

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