A Albert Mérat
Les longs récits autour du poêle, à la caserne,
La guinguette et l’amour ne sont plus de saison.
Boucle ton sac et sangle à tes reins la giberne ;
Conscrit, le régiment change de garnison.
La route est sèche et blanche, et lointain l’horizon ;
Si tes pieds sont meurtris, marche dans la luzerne,
Et ne regarde pas le houx de la taverne ;
Les traînards ont la belle étoile pour maison.
— Je suis du régiment de misère. La tombe,
Dernière étape, est loin encore, et je succombe
De fatigue, de faim, de soif et de chaleur.
Je marche, sans espoir que mon tourment s’apaise,
Et, comme un soldat fait de l’arme qui lui pèse,
Je ne puis que changer d’épaule ma douleur.
François Coppée, Le Reliquaire, 1866