L’amour

Adélaïde Dufrénoy

Passer ses jours à désirer,
Sans trop savoir ce qu’on désire ;
Au même instant rire et pleurer,
Sans raison de pleurer et sans raison de rire ;
Redouter le matin et le soir souhaiter
D’avoir toujours droit de se plaindre ;
Craindre quand on doit se flatter,
Et se flatter quand on doit craindre ;
Adorer, haïr son tourment ;
À la fois s’effrayer, se jouer des entraves ;
Glisser légèrement sur les affaires graves,
Pour traiter un rien gravement ;
Se montrer tour à tour dissimulé, sincère,
Timide, audacieux, crédule, méfiant ;
Trembler, en tout sacrifiant,
De n’en point encore assez faire ;
Soupçonner les amis qu’on devrait estimer ;
Être le jour, la nuit, en guerre avec soi-même ;
Voilà ce qu’on se plaint de sentir quand on aime,
Et de ne plus sentir quand on cesse d’aimer.

Adélaïde Dufrénoy, Élégies et poésies diverses (1813)

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2 commentaires sur “L’amour”

  1. Werner Weinhold

    dit :

    Très impressionnant. Le texte français est bien sûr encore plus beau et plus « musical » du point de vue des vers. Je suis heureux d’avoir découvert cette poétesse que je ne connaissais pas.

  2. Caron

    dit :

    Je ne connaissais pas cette poétesse. Elle rejoint les grands auteurs de poésie.

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