Il arrive qu’un couple sombre, comme un bateau pris dans la tourmente, que l’orage soit si violent que le navire malmené, prenne l’eau, que les voiles tendues, que l’équipage aurait omis de régler, se détachent et que la coque se brise.
La passion des premiers jours passée, la réalité nouvelle de la vie à deux, la possession de l’autre, le don de soi, les mots doux qui cimentent cette idylle rêvée, le nid d’amour se construit, peu à peu, brin par brin.
Il arrive que la source se tarisse, que le flot, un temps puissant et généreux, faiblisse, que le lit de la rivière s’assèche et laisse pousser de nouvelles espèces, faute d’eau; que ces deux forces, un temps complémentaires, s’ignorent longtemps.
L’amour se transforme, au gré de la vie et de ses changements, il se teinte de mille nouvelles couleurs, il se renouvelle face aux obstacles, il grandit à l’ombre des arbres centenaires; à l’abri, il s’exprime et se renforce.
Il arrive que les mots se perdent, que le couple en soit réduit à parler de toutes les
tracasseries des jours monotones, en s’y limitant, faute de temps; au lieu de trouver les mots justes pour s’aimer et se respecter au quotidien, il se chamaille, se querelle et se perd.
On en vient à cette saison qu’on nomme la fin des mots, cette saison où le verbe est limité à des ordres, des injonctions, des instructions, des reproches.
Qu’en est-il de la poésie, des mots pleins de tendresse et de désir, des messages pleins de bienveillance ? Qu’en est-il du langage du coeur, cette langue sans mots, qui s’exprime par des regards complices, des sourires admiratifs et des tendres caresses ? Quelle saison succède à la fin des mots?
Nashmia Noormohamed, 2016