Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.
Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,
En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.
Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m’Amour penser quelque folie :
Toujours suis mal, vivant discrètement,
Et ne me puis donner contentement
Si hors de moi ne fais quelque saillie.
Louise Labé, Sonnets
Un amant. Pour moi c’est un poème saphique c’est une évidence et historiquement ça a été soigneusement maquillé… comme toujours
A PAYET: « Si hors de moi ne fais quelque saillie » peut s’interpréter: « S’il t’arrive de me tromper » …
Le texte au début est gênant mais je l’ai trouvé beau et je l’ai mis dans une anthologie.
J’aime beaucoup ce poème. Serait-il possible de le réadapter en film?
Comment comprenez- vous « Si hors de moi ne fais quelque saillie ? »
Merci
Lou ! vôtre interprétation de ce beau poème me semble simple et juste. C’est ainsi que je le ressens.
Maily, c’est une forme de licence poétique. Tu peux le lire autrement pour mieux le saisir. « Chacun » est le sujet, « vivra » verbe, et « en soi et son ami » complément. On entre souvent dans ces textes dans la métapensée dont parle Edg. Morin avec sa « Pensée Complexe ».
« Chacun en soi et son ami vivra », au même titre que 1+1=2, mais égale 1 aussi, et 3 également, voire au delà puisque le tout est souvent supérieur à la somme de ses parties.
Chacun en soi, pardon.
L’enivrement fait voir double.
Cf Baudelaire : « nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux
qui réfléchiront leur double lumière
dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux »
La Mort des amants.
« Chacun en soi et son ami vivra » veut dire « chacun vivra en soi et son ami » ? Peut-on m’aider décrire/comprendre le grammaire là-dessus ?
Pour Lou et Maily;
J’interprèterais différemment: « Chacun en soi et son ami vivra » précédé de « Lors double vie à chacun en suivra ».
Je crois lire: « chacun et son ami en soi vivra » qui ferait que l’on vit doublement lorsqu’on est amoureux parce que l’on est sans cesse à penser à l’autre, d’où « Lors double vie à chacun suivra »
Me dire…
Au cas que vous voyez ceci, je me suis probablement trompée dans mon analyse qui était peut-être un peu trop simple et de surface. Voici un article qui est très intéressant et qui traite entre autres de ce poème-ci. https://www.jstor.org/stable/43444944?seq=5#metadata_info_tab_contents
Pour Maily,
Mon interprétation est que Louise Labé parle ici de l’amour qu’elle partage avec un amant. Donc, c’est un amour qui serait secret et défendu. La ligne qui précède celle que tu as mentionnée, « Lors double vie à chacun en suivra. » me semble éclairer la situation. Bien que les deux partis s’aiment et se donnent l’un à l’autre, ils ne peuvent réellement s’unir. Ils restent deux lignes parallèles et séparées, menant leurs doubles vies avec leur amour protégé au fond d’eux-mêmes. C’est là seulement, dans le secret intérieur de chacun que leur amour peut vivre.
Mais je pourrais très bien me tromper! C’est seulement ce que j’y vois.
Que voudrait dire « Chacun en soi et son ami vivra » ? Merci d’avance pour vos réponses.
L’amour, la beauté. Quoi d’autre?