Puisque les plus heureux ont des douleurs sans nombre,
Puisque le sol est froid, puisque les cieux sont lourds,
Puisque l’homme ici-bas promène son cœur sombre
Parmi les vains regrets et les courtes amours,
Que faire de la vie ? Ô notre âme immortelle,
Où jeter tes désirs et tes élans secrets ?
Tu voudrais posséder, mais ici tout chancelle ;
Tu veux aimer toujours, mais la tombe est si près !
Le meilleur est encore en quelque étude austère
De s’enfermer, ainsi qu’en un monde enchanté,
Et dans l’art bien aimé de contempler sur terre,
Sous un de ses aspects, l’éternelle beauté.
Artiste au front serein, vous l’avez su comprendre,
Vous qu’entre tous les arts le plus doux captiva,
Qui l’entourez de foi, de culte, d’amour tendre,
Lorsque la foi, le culte et l’amour, tout s’en va.
Ah ! tandis que pour nous, qui tombons de faiblesse
Et manquons de flambeau dans l’ombre de nos jours,
Chaque pas à sa ronce où notre pied se blesse,
Dans votre frais sentier marchez, marchez toujours.
Marchez ! pour que le ciel vous aime et vous sourie,
Pour y songer vous-même avec un saint plaisir,
Et tromper, le cœur plein de votre idolâtrie,
L’éternelle douleur et l’immense désir.
Louise Ackermann, Premières poésies, 1871
Trés bien écrit, la vie a des hauts et des bas, difficile de naviguer, dans les turbulances, et parfois les traumas que nous infligent certains (humains).
Très beau, trop triste, beaucoup de résignation. Était ce l’expression des souffrances de sa vie…? En le lisant, un peu on partage, mais trop tard pour lui donner un peu plus de soleil, qu’elle n’a pas pu trouver…
Quel magnifique poème qui vibre au fond de moi. Tant de sentiments évoqués pudiquement et pourtant explicites. Où l’on voit que le poète et les sentiments humains ne sont jamais « démodés »… Merci à Louise Ackermann d’avoir su exprimer ce qui est au fond de moi ! La magie du poème qui une fois sorti de la plume d’un seul devient en passant par le coeur et l’âme universel…