Tout cela me fait rêver du pays. Les eaux vertes bouillonnantes de la rivière, les grottes obscures à flanc de montagne. Ours qui grogne, dragon qui gronde. Au sud volent les oies sauvages.
Je pense à vous lointains exilés. La tristesse m’emporte comme un gros nuage noir dans la tempête. Ici ni là, à travers la vaste plaine, il ne reste plus rien, si ce n’est des barbelés, des bottes de sept lieux en caoutchouc et quelques SOS résignés. On n’entend plus que le bruit sourd des pas dans la glaise. Des couvertures sombres enveloppent les corps oubliés sur le bord du chemin. Qui claque des dents pour inviter les dieux ? La tête courbée sans dire maux. La mer se voudrait profonde pour y engloutir tant de chagrins, de corps funestes.
La main qui se tend
Ne peut venir que du fond du cœur.
Il est trop dur de vivre sans aimer.
Je regarde mon village
Mais ma route est sans retour.
Richard Taillefer, Textes extraits du manuscrit « Ce petit trou d’air au fond de la poche »