Ne sait que faire de ses mains
et sa langue n’obéit point.
Voudrait pourtant un peu paraître
alors que chacun l’envoie paître.
Le maladroit !… le maladroit !…
Quand et comment… il ne sait pas.
Rougit de se sentir rougir.
Et rerougit du ridicule.
Et quand il s’apprête à sortir,
croit que tous les regards l’annulent.
Se prépare des boniments.
Se les répète incessamment.
Les sortira mal à propos.
Se sentira encore plus sot
Le maladroit !… le maladroit !…
Quand et comment… il ne sait pas.
Dans sa peau il se rétrécit.
Se voudrait grand comme une souris
quand sur lui tombe le silence
qui fait une croix sur sa présence.
Se prend le pied dans le tapis
quand il fait la cour à une fille.
Et s’allonge de tout son être,
maudissant l’heure qui l’a vu naître.
Le maladroit !… le maladroit !…
Quand et comment… il ne sait pas.
Tant de corniauds pleins d’assurance
trouvent en lui un exutoire
et en feront la belle poire
qu’on écrase de sa prestance.
Faut si peu pour sembler malin.
Parfois encore moins qu’on ne pense
Tu apprendras, va, c’est certain,
mais paieras cher ton expérience !
Le maladroit… le maladroit…
en attendant… il ne sait pas !
Esther Granek, Je cours après mon ombre, 1981