À la grosseur du sentiment
Ne vas pas mesurer ma force,
Je ne prétends aucunement
À la grosseur du sentiment.
Toi, serre le mien bontément
Entre ton arbre et ton écorce.
À la grosseur du sentiment
Ne vas pas mesurer ma force.
La qualité vaut mieux, dit-on,
Que la quantité, fût-ce énorme.
Vive le gourmet, fi du glouton !
La qualité vaut mieux, dit-on.
Allons, sois gentille et que ton
Goût à ton désir se conforme.
La qualité vaut mieux, dit-on,
Que la quantité, fût-ce énorme.
Petit poisson deviendra grand
Pourvu que L’on lui prête vie.
Sois ce L’on-là ; sur ce garant
Petit poisson deviendra grand,
Prête-la moi, je te le rend.
Rai gaillard et digne d’envie.
Petit poisson deviendra grand
Pourvu que L’on lui prête vie.
Mon cas se rit de ton orgueil,
Étant fier et de grand courage.
Tu peux bien en faire ton deuil.
Mon cas se rit de ton orgueil
Comme du chat qui n’a qu’un œil,
Et le voue au « dernier outrage ».
Mon cas se rit de ton orgueil
Étant fier et de grand courage.
Tout de même et sans trop de temps !
C’est fait. Sat prata. L’ordre règne.
Sabre au clair et tambours battants
Tout de même et sans trop de temps !
Bien que pourtant, bien que contents
Mon cas pleure et ton orgueil saigne.
Tout de même et sans trop de temps
C’est fait. Sat prata. L’ordre règne.
Paul Verlaine, Femmes, 1890