J’abomine une femme maigre,
Pourtant je t’adore, ô Rita,
Avec tes lèvres un peu nègre
Où la luxure s’empâta.
Avec tes noirs cheveux, obscènes
A force d’être beaux ainsi
Et tes yeux où ce sont des scènes
Sentant, parole ! le roussi,
Tant leur feu sombre et gai quand même
D’une si lubrique gaîté
Éclaire de grâce suprême
Dans la pire impudicité
Regard flûtant au virtuose
Es-pratiques dont on se tait :
« Quoi que tu proposes, ose
Tout ce que ton cul te dictait » ;
Et sur ta taille comme d’homme,
Fine et très fine cependant,
Ton buste, perplexe Sodome
Entreprenant puis hésitant,
Car dans l’étoffe trop tendue
De tes corsages corrupteurs
Tes petits seins durs de statue
Mais tes jambes, que féminines
Leur grâce grasse vers le haut
Jusques aux fesses que devine
Mon désir, jamais en défaut,
Dans les plis cochons de ta robe
Qu’un art salop sut disposer
Pour montrer plus qu’il ne dérobe
Un ventre où le mien se poser !
Bref, tout ton être ne respire
Que faims et soifs et passions…
Or je me crois encore pire :
Faudrait que nous comparassions.
Allons, vite au lit, mon infante,
Çà livrons-nous jusqu’au matin
Une bataille triomphante
A qui sera le plus putain.
Paul Verlaine, Femmes, 1890