De plus, cette ignorance de Vous !
Avoir des yeux et ne pas vous voir,
Une âme et ne pas vous concevoir.
Un esprit sans nouvelles de Vous !
O temps, ô mœurs qu’il en soit ainsi,
Et que ce vase de belles fleurs,
Qu’un tel vase, précieux d’ailleurs,
De la plus belle se passe ainsi !
Religion, unique raison,
Et seule règle et loi, piété,
Rien, là, de vous n’a jamais été,
Pas un penser juste, une oraison !
Aussi cette ignorance de tout !
Et de soi-même, droits et devoirs
Et des autres, leurs justes pouvoirs,
Leur action légitime et tout !
Jusqu’à méconnaître en moi quel nom,
Quel titre augural et de par Dieu !
Et six ans passés à plaire à Dieu,
Vertu réelle, effort bel et bon !
Jusqu’à ne pas se douter vraiment
Du tour affreux et plus que cruel
Qu’un sot grief, à peine réel,
Inflige à ses revanches vraiment.
Éclairez ces ténêbres de mort,
C’est votre créature après tout.
L’ignorance invincible l’absout.
Bah ! claire et bonne lui soit la mort.
Paul Verlaine, Bonheur, 1891
C’est vraiment une inspiration