A Mme Lullin
Hé quoi ! vous êtes étonnée
Qu’au bout de quatre-vingts hivers,
Ma Muse faible et surannée
Puisse encor fredonner des vers ?
Quelquefois un peu de verdure
Rit sous les glaçons de nos champs ;
Elle console la nature,
Mais elle sèche en peu de temps.
Un oiseau peut se faire entendre
Après la saison des beaux jours ;
Mais sa voix n’a plus rien de tendre,
Il ne chante plus ses amours.
Ainsi je touche encor ma lyre
Qui n’obéit plus à mes doigts ;
Ainsi j’essaie encor ma voix
Au moment même qu’elle expire.
« Je veux dans mes derniers adieux,
Disait Tibulle à son amante,
Attacher mes yeux sur tes yeux,
Te presser de ma main mourante. »
Mais quand on sent qu’on va passer,
Quand l’âme fuit avec la vie,
A-t-on des yeux pour voir Délie,
Et des mains pour la caresser ?
Dans ce moment chacun oublie
Tout ce qu’il a fait en santé.
Quel mortel s’est jamais flatté
D’un rendez-vous à l’agonie ?
Délie elle-même, à son tour,
S’en va dans la nuit éternelle,
En oubliant qu’elle fut belle,
Et qu’elle a vécu pour l’amour.
Nous naissons, nous vivons, bergère,
Nous mourons sans savoir comment ;
Chacun est parti du néant :
Où va-t-il ?… Dieu le sait, ma chère.
Voltaire (François Marie Arouet)
Je ne pensais pas me réjouir si tôt ce matin…entre Voltaire et Alex… entre les commentaires judicieux de Basil et Bénédicte ! De la joie pour la journée
Je ne pensais pas de si bon matin me réjouir autant, entre Voltaire et Alex, entre les commentaires…de Basil et Bénédicte. Ah vieillesse !
Merci Alex, un grand merci. Pour un jour de deuil, j’ai eu besoin de lire Voltaire. Ah, mais vous ne doutez de rien, vous vous adressez à Voltaire (qui rime avec Lumière) en lui disant que c’est un bon « brouillon ». Vous poussez le bouchon jusqu’à sous-entendre que vous pourriez lui filer un coup de main pour arranger sa copie. C’est fabuleux, du miel, je me régale. Ah bravo, vous avez réussi à me faire pleurer… de rire. Et merci à Basil qui a eu le mot juste, idoine, approprié. Je suis prête à penser que lui aussi a bien du rire.
Ce poème est sublime, si d’aucuns y voient un ressentiment, je ne le vois pas. Voltaire est factuel, parler d’amour pendant que l’on s’éteint est dérisoire, mal placé, incongru; Voltaire va jusqu’au trait d’humour :
« Quel mortel s’est jamais flatté
D’un rendez-vous à l’agonie »
Très bel aperçu tout en poésie de ce que peut être son ressentiment en fin de vie.
Je voudrais savoir quand est ce que Voltaire l’a publié pour la premiere fois. Merci
Tu parlais à qui alex ? Car si c’est à l’auteur, c’est un peu « mort » !
Ok moi, je ne sais pas ce que vous voulez dire, mais j’ai bien aimé. Moi aussi j’écris des poémes. Moi perso je vous conseille de le retravailler…