Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l’espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l’étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l’espace
Comme font les fruits d’or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l’onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L’amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu’on oublie
— Souviens-t’en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur —
Mon sang c’est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
30 janvier 1915, Nîmes.
L a nuit descend
O n y pressent
U n long destin de sang
Nîmes, le 30 janvier 1915
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou
Un grand poème d’amour sur fond de guerre…
Toute la construction du poème est fondée sur ce paradoxe de la guerre qui régénère le monde par ce « fatal giclement du sang » qu’elle occasionne, comme dans l’amour le plus sensuel…
Le rythme du poème est ample, les alexandrins s’y succèdent impeccablement comme les grandes vagues de l’océan, l’une après l’autre, partent à l’assaut de la plage dans un ordre immuable : une grande paix nous envahit, presque un enthousiasme grandissant nous prend à la lecture des vers successifs qui nous parlent pourtant de l’insupportable violence de la guerre…
C’est un poème incantatoire pour dépasser la peur, donner un sens à l’absurde et au néant, faire triompher l’Amour, repousser les affres de la mort qui attend cependant tragiquement le Poète au bout du chemin…
Mais grâce à l’Oeuvre, le Poète s’est déjà échappé au-delà et revit désormais éternellement en nous, à chacune des lectures du poème que nous faisons : « O mors ero mors tua », dit le poème à jamais…
C’est cool
Poème chanté sublimement par Jean Ferrat.
La dernière strophe n’est pas vraiment en lien avec les autres, mais sinon, le texte est très beau, j’ai failli versé ma larme pour Lou et aussi pour le poète.
Tout simplement sublime
Le dernier vers est « Un long un long destin de sang ». La répétition de « Un long » accentue l’intensité lyrique de ces vers sublimes.
Sublime. Tout simplement sublime. L’un des sommets de la poésie.
J’avais oublié ce poème, puis les premiers mots m’etant revenus, je l’ai chanté de mémoire en entier.
Je sais pas mais je trouve que ce poème est vraiment touchant. Comment dire ? Peut être que dans des moments tristes quand on lit ce genre de poème on se dit que d’autres vivent pire que nous et ça nous donne un peu de courage et d’assurance.
Merci Apollinaire pour ce beau poème. Vous vivez toujours et aspirez beaucoup de jeunes ! Merci infiniment.
Le monde de la rose
Est devenue ma muse….
Joli poème mais pour réaliser un commentaire de texte ça demande beaucoup de travail
Splendide.