La trompette sonne et résonne,
Sonne l’extinction des feux.
Mon pauvre cœur, je te le donne
Pour un regard de tes beaux yeux.
Et c’est l’heure, tout s’endort,
J’écoute ronfler la caserne,
Le vent qui souffle vient du Nord,
La lune me sert de lanterne
Un chien perdu crie à la mort.
La nuit s’écoule, lente, lente,
Les heures sonnent lentement
Toi, que fais-tu, belle indolente
Tandis que veille ton amant
Qui soupire après son amante,
Et je cherche au ciel constellé
Où sont nos étoiles jumelles
Mon destin au tien est mêlé
Mais nos étoiles où sont-elles ?
Ô ciel, mon joli champ de blé….
Hugo l’a dit célèbre image
Booz et Ruth s’en vont là-haut
Pas au plafond sur le passage
Comme au roman de Balao
Duquel je n’ai lu qu’une page
Un coq lance « cocorico »
Ensemble nos chevaux hennissent
A Nice me répond l’Echo
Tous les amours se réunissent
Autour de mon petit Lou de Co
L’inimaginable tendresse
De ton regard parait aux cieux
Mon lit ressemble à ta caresse
Par la chaleur puisque tes yeux
Au nom de Nice m’apparaissent
La nuit s’écoule doucement
Je vais enfin dormir tranquille
Tes yeux qui veillent ton amant
Sont-ce pas ma belle indocile
Nos étoiles au firmament
Nîmes, le 3 février 1915
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou