Vais acheter une cravache
En peau de porc, jaune en couleur,
Si je n’en trouve que macache
Prendrai mon fouet de conducteur.
Les mouton noirs des nuits d’hiver
S’amènent en longs troupeaux tristes.
Les étoiles parsèment l’air
Comme des éclats d’améthystes.
Là-bas tu vois les projecteurs
Jouer l’aurore boréale,
C’est une bataille de fleurs
Où l’obus est une fleur mâle
Les canons membres génitaux,
Engrossent l’amoureuse terre.
Le temps est aux instincts brutaux.
Pareille à l’amour est la guerre.
Écoute au loin les branle-bas,
Claquer les drapeau tricolore
Au vent, dans le bruit des combats
Qui durent du soir a l’aurore.
Salut, salut au régiment
Qui va rejoindre les tranchées.
Dans le ciel pâle éperdument
Sur lui la victoire est penchée
Mon cœur, embrasse les deux fronts
Fronts de Toutou, front de l’armée.
Ce qu’ils ont fait, nous le ferons.
Au revoir, ô ma bien-aimée.
Nîmes, le 7 février 1915
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou
Ca me touche au plus profond.