Nous marchons nous marchons d’un immobile pas
Nous buvons au bidon à la fin du repas
Le dernier arbre en fleurs qu’avant Dijon nous vîmes
(Car c’est fini les fleurs des environs de Nîmes)
Était tout rose ainsi que tes seins virginaux
Ma vie est démodée ainsi que les journaux
D’hier et nous aimons ô femmes vos images
Sommes dans nos wagons comme oiseaux en cages
Te souvient-il encor du brouillard de Sospel
Une fillette avait ton vice originel
Et notre nuit de Vence avant d’aller à Grasse
Et l’hôtel de Menton Tout passe lasse et casse
Et quand tu seras vieille ô ma jeune beauté
Lorsque l’hiver viendra après ton bel été
Lorsque mon nom sera répandu sur la terre
En entendant nommer Guillaume Apollinaire
Tu diras Il m’aimait et t’enorgueilliras
Allons ouvre ton cœur Tu m’as ouvert tes bras
*
Les souvenirs ce sont des jardins sans limite
Où le crapaud module un tendre cri d’azur
La biche du silence éperdu passe vite
Un rossignol meurtri par l’amour chante sur
Le rosier de ton corps où j’ai cueilli des roses
Nos cœurs pendent ensemble au même grenadier
Dont les fleurs de grenade entre nos cœurs écloses
En tombant une à une ont jonché le sentier
*
Les arbres courent fort les arbres courent courent
Et l’horizon vient à la rencontre du train
Et les poteaux télégraphiques s’énamourent
Ils bandent comme un cerf vers le beau ciel serein
Ainsi beau ciel aimé chère Lou que j’adore
Je te désire encore ô paradis perdu
Tous nos profonds baisers je me les remémore
Il fait un vent tout doux comme un baiser mordu
Après des souvenirs des souvenirs encore
Entre Châtillon-sur-Seine et Chaumont, le 5 avril 1915
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou
COOL
Très jolie!