Fêtes aux lanternes en acier
Qu’il est charmant cet éclairage
Feu d’artifice meurtrier
Mais on s’amuse avec courage
Deux fusants rose éclatement
Comme deux seins que l’on dégrafe
Tendent leurs bouts insolemment
Il sut aimer Quelle épitaphe
Un poète dans la forêt
Regarde avec indifférence
Son revolver au cran d’arrêt
Des roses mourir en silence
Roses d’un parc abandonné
Et qu’il cueillit à la fontaine
Au bout du sentier détourné
Où chaque soir il se promène
Il songe aux roses de Sâdi
Et soudain sa tête se penche
Car une rose lui redit
La molle courbe d’une hanche
L’air est plein d’un terrible alcool
Filtré des étoiles mi-closes
Les obus pleurent dans leur vol
La mort amoureuse des roses
Toi qui fis à l’amour des promesses tout bas
Et qui vis s’engager pour ta gloire un poète
Ô rose toujours fraîche, ô rose toujours prête
Je t’offre le parfum horrible des combats
Toi qui sans défleurir, sans mourir, succombas
Ô rose toujours fraîche au vent qui la maltraite
Fleuris tous les espoirs d’une armée qui halète
Embaume tes amants masqués sur leurs grabats
Il pleut si doucement pendant la nuit si tendre
Tandis que monte en nous cet effluve fatal
Musicien masqué que nul ne peut entendre
Je joue un air d’amour aux cordes de cristal
De cette douce pluie où s’apaise mon mal
Et que les cieux sur nous font doucement descendre
Courmelois, deuxième moitié de mai 1915
Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou
C’est vraiment très inspirent pour un travail sur la nature. Je comprend ce que doit subir une rose pour grandir : la pluie, la neige et pleins d’autres obstacles.