Je ne vous aime pas, ô blonde Célimène,
Et si vous l’avez cru quelque temps, apprenez
Que nous ne sommes point de ces gens que l’on mène
Avec une lisière et par le bout du nez ;
Je ne vous aime pas… depuis une semaine,
Et je ne sais pourquoi vous vous en étonnez.
Je ne vous aime pas ; vous êtes trop coquette,
Et vos moindres faveurs sont de mauvais aloi ;
Par le droit des yeux noirs, par le droit de conquête,
Il vous faut des amants. (On ne sait trop pourquoi.)
Vous jouez du regard comme d’une raquette ;
Vous en jouez, méchante… et jamais avec moi.
Je ne vous aime pas, et vous aurez beau faire,
Non, madame, jamais je ne vous aimerai.
Vous me plaisez beaucoup ; certes, je vous préfère
À Dorine, à Clarisse, à Lisette, c’est vrai.
Pourtant l’amour n’a rien à voir dans cette affaire,
Et quand il vous plaira, je vous le prouverai.
J’aurais pu vous aimer ; mais, ne vous en déplaise,
Chez moi le sentiment ne tient que par un fil…
Avouons-le, pourtant, quelque chose me pèse :
En ne vous aimant pas, comment donc se fait-il
Que je sois aussi gauche, aussi mal à mon aise
Quand vous me regardez de face ou de profil ?
Je ne vous aime pas, je n’aime rien au monde ;
Je suis de fer, je suis de roc, je suis d’airain.
Shakespeare a dit de vous : « Perfide comme l’onde » ;
Mais moi je n’ai pas peur, car j’ai le pied marin.
Pourtant quand vous parlez, ô ma sirène blonde,
Quand vous parlez, mon cœur bat comme un tambourin.
Je ne vous aime pas, c’est dit, je vous déteste,
Je vous crains comme on craint l’enfer, de peur du feu ;
Comme on craint le typhus, le choléra, la peste,
Je vous hais à la mort, madame ; mais, mon Dieu !
Expliquez-moi pourquoi je pleure, quand je reste
Deux jours sans vous parler et sans vous voir un peu.
Alphonse Daudet, Les Amoureuses, 1858
Ce poème me transfigure… Ce poème m’élève plus haut… Encore plus haut… Ce poème m’ai d’une aide… Pour affronter le monde… Je me posais la question… Pourquoi ne pas l’apprendre par coeur comme au bon vieux temps ? En relisant, ce poème lui-même me dit de ne pas faire de mauvais choix… De ne pas me laisser troubler par la puissance de ce poème… Alors que dois-je en déduire?
Pov: comment les poètes mettais des râteaux à l’ancien temps mdr
A. Daudet : Poème déchirant, bouleversant d’authenticité, dont la fin vient confirmer la sensation d’un amour en désespérance
Ce poème est vraiment un chef d’oeuvre. Il m’a permis de reprendre vie. Merci Alphonse
Je trouve ce poème magnifique… que de belles phrases.
Un espoir écrasé. J’aime tout particulièrement le vers : « Je ne vous aime pas… depuis une semaine » qui laisse présager de la suite.
Entre haine et amour, l’agonie lente , il demeure maladivement amoureux. De ces sentiments émis où peine son amour caché, pour elle. Représentée comme « une onde », signifiant qu’elle se conforme plus aux amants qu’à un seul être, de son centre émetteur de vibrations , elle repart aussi bien formée par ses retours à d’autres amours!