I
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.
J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? – C’était hier l’été ; voici l’automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
II
J’aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd’hui m’est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l’âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D’un glorieux automne ou d’un soleil couchant.
Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l’été blanc et torride,
De l’arrière-saison le rayon jaune et doux !
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Poème sublime que je me récite très souvent comme un drogué qui réclame son haschisch…
Remarquons cependant la muflerie de l’homme Baudelaire pour Marie Daubrun:
« rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l’âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer. »
La femme-ersatz, il fallait oser ! L’ambiguïté de la figure féminine (mère, sœur et amante. Corps féminin = « objet » de désir et de dégoût) chez Baudelaire n’est plus à démontrer.
Ce poème m’a ouvert les yeux sur ce monde froid et insipide, il m’a aidé à aller de l’avant et à enlever les personnes hivernales de ma vie. Je vis maintenant à Bali et je profite du soleil en lisant des poèmes.
Moi, j’adore le soleil, Baudelaire aussi. C’est pourquoi il a écrit ce poème.
The first poem in French that I learned by heart in high school in Perth Western Australia. More than 50 years later I can still recite most of it. The line « J’aime de vos longs yeux la Lumiere verdâtre » has always seemed to me the most mysteriously erotic and evocative line I have ever read
Je ne serai pas originale. Ce sont ces vers : « Bientôt nous plongeons dans les froides ténèbres » qui résonnent en moi aux premiers jours de novembre. Pourtant j’aime l’hiver quand il nous offre sa lumière si singulière au coeur d’une belle journée froide et pure. Des vers pour attendre le printemps et échapper au spleen ? Je suis preneuse. Merci
Je viens de lire et relire ce poème dont je suis passionné… à chacun des problèmes rencontrés au début de l’automne. Je relis Baudelaire et Prévert et je poursuis fièrement ma vie de retraite loin de mon soleil de Guyane …grâce à ces deux poètes.
Super
J’ai plus de 70 ans et ça va être mon tour et ça me réveille la nuit. Un jour mère-grand m’a appelé à son chevet et m’a récité ce poème de bout en bout… je ne connaissais pas… C’était il y a 50 ou 60 ans et elle en avait 90… puis elle est partie.
Le bois de chauffage me faisait peur.
Alors je suis parti habiter au Mexique.
Sous des soleils marins,
Baignes de mille feux.
Fan2poesie
Comme il me plairait d’écrire en charabia beaudelairien! Quel dommage pour vous de n’être pas sensible à ce chant d’automne.
Anna-Elisabeth
Ce poème me fait penser à la fin d’un amour dans la douleur mais inévitable. Ce froid de la distance qui s’installe peu à peu. Puis la mort d’un sentiment par l’usure du temps. Baudelaire est un génie.
Três beau poème de Beaudelaire! Tschaikowski, dans la suite Les Saisons, a crée une pièce musicale intitulée «Chansons d’automne, (October)». Je l’ai apprise à 12 ans… je la joue toujours, 70 automnes après et avec le mëme bonheur!
Je n’aime pas
Les deux plus beaux passages :
« Tout l’hiver va rentrer dans mon être »
et
« C’était hier l’été, voici l’automne »
De vraies pépites !
La poésie n’attend pas d’être comprise par l’esprit mais par le cœur et les sens. Elle n’est pas narrative, ni documentaire ou exhaustive, elle cherche en nous l’écho intime du sens attendu
Je respecte mais je n’aime pas.
Ce poème est un veritable trésor que Beaudelaire laisse à cette génération, moi j’adore
Cycles de vie… chacun nécessaire à l autre…
Magnifique poésie sépulcrale ! Juste un mini reproche adressé à cet admirable auteur (en ai-je seulement le droit ?) : redondance du verbe tomber, utilisé pour le bois dans le premier quatrain et pour la bûche dans le troisième . A moins qu’il ne s’agisse d’un choix de sa part ….
Gabriel Fauré ajoute sa « vision musicale » dans une mélodie troublante. Op.5 N°1. Belle fraternité avec Charles Baudelaire.
Magnifique, j’adore ce poème, la première partie notamment, pour moi la poésie se ressent avant tout, et là on est servie, quand l’automne vient, ou que c’est l’hiver, que je regarde le paysage, c’est à cette poésie que je pense, la poésie doit toucher notre âme et nos sentiments avant tout à mon avis, elle transmet des émotions. De plus le vocabulaire est riche, adapté et magnifique, et ça manque parfois dans certaines poésies.
Fan2poesie, votre commentaire est navrant et ne va pas vraiment avec votre pseudonyme à mon avis, enfin remarque si ça ne vous touche pas pourquoi pas, mais disons que votre commentaire sied pas vraiment à une critique de poésie.
J’aime…
j’adore!
L automne me semble il est une longue et terrifiante descente vers les abîmes de l’hiver. Comme un grand voile noir qui recouvre tout notre être. Une descente inéluctable vers les bas fonds. Personne ne peut y échapper. Cette sorte de spleen qui s’empare de nous dès que les jours diminuent. Je te haie vieille sorcière sous tes airs de princesse avec ses si belles couleurs qui te parent tu n’es en vérité qu une briseuse d’âme.
Jamais un automne ne se passe sans que « chanson d’automne » ne se déclenche dans ma tête au bruit cadencé d’une tronçonneuse qui rythme la coupe des troncs de fayards nouvellement sortis de la forêt. C’est fabuleux… Merci.
J’adore l’automne.
J’ai une préférence pour la première partie. Les vers s’enchaînent avec une facilité et une justesse déconcertantes. Magnifique.
Des mots justes. Des vers simples. Un poeme impressionnant.
Magnifique poème où Baudelaire exprime toute sa sensibilité, particulièrement sa tristesse.
Baudelaire fait ici me semble t’il l’apologie de l’été et du soleil qui pour lui est source de vie; l’automne et l’hiver serait pour lui le rapprochement avec la mort puisque tout bruit suspect est relié à la mort (construction d’un cercueil). Baudelaire nous dit qu’il cesse de vivre lorsque les rayons de soleil ne sont plus là; même l’amour lui semble moins important. On a l’impression qu’il se replie sur lui même en attendant de nouveau la belle saison, celle qui la fera revivre s’il passe l’écueil de cet hiver maudit.
Sublime poème… ils ont tous disparus. La relève où est elle? Peut être la poésie n’intéressë plus grand monde. Dommage si ç’est le cas.
C’est sur la mort qui vient.
Quels beaux poèmes ! Mon préféré est le premier mais Charles Baudelaire avait vraiment un don ! Fan2poésie, si tu l’es vraiment, tu ne peux pas dire ça d’un poème comme celui-ci ! Et pour un fan, ton commentaire est assez osé ! Merci pour ce merveilleux site, les poèmes y sont géniaux !
J’aime quand je ne comprends rien, et la, en occurrence, je suis servi ! C’est quoi ce charabia ?
Trés beau poème, je l’adore !
Cette divinité touche notre âme, merci. Mes progénitures adorent votre site si splendide soit-il!